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mot clé «société»

La nouvelle photo du Conseil fédéral est sortie. Je reprends donc la saga de cet exercice annuel de suissitude officielle. Cette année, c’est au tour du Conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz d’être le Président de la Confédération et c’est donc à notre ministre des finances qu’échoit la responsabilité de la photo officielle. Autant le dire tout de suite, cette année on a voulu faire dans le pratique et le consensuel et on redescend d’un ou deux crans dans l’audace et l’expressivité.

JPEG - 80 ko
Conseil fédéral 2009

Photo Michael Stahl

Un des éléments qui frappe d’emblée est que l’image ne montre aucun contact entre les acteurs. C’est très pratique, car on peut alors échelonner les prises de vues, l’un ou l’autre de ces personnages surbookés pouvant ne pas être libre au bon moment. Pratique toujours, pour le photographe qui n’a pas la grande difficulté de devoir obtenir le bon sourire « cheese » pour tous les membres du groupe au même instant décisif. En agrandissant, on peut voir de petits indices montrant un détourage, ce qui signifie que les personnages ont pu être interchangés. Mais je ne vois là rien de répréhensible, c’est une remarque technique. L’ennui, quand on réalise la prise de vue des personnages séparément du décor, c’est qu’il faut être très habile pour réaliser l’intégration. Ici, elle est ratée, car les ombres immédiates autour des pieds sont faibles ou manquantes, ce qui a la fâcheuse conséquence de faire planer nos édiles au-dessus du sol. Autre problème au niveau des pieds, on voit bien que les acteurs ne sont pas issus du même univers colorimétrique que le décor. Une couleur aussi intense que ce rouge devrait se propager un peu sur les souliers.

Métaphoriquement, ces personnages - isolés dans une photo de groupe - en disent long sur la cohésion nationale et n’annoncent pas de grands progrès sur le plan de la collégialité, bien que de grandes promesses aient été faites dans ce sens par la majorité plus une voix du Conseil national. Je comprends mal que cet aspect ait pu échapper à nos stratèges visuels.

Pour faire joli et consensuel, on a nimbé cette réunion forcée dans une aura sinusoïdale d’étoiles de croix suisses scintillantes, véritable patriotisme de pacotille évoquant une publicité de Noël pour supermarché. Cette démultiplication décorative de croix suisses devrait-elle évoquer une Suisse multiple ou une Suisse fragmentée, au bord de l’explosion ? Difficile de jouer sur les symboles, n’est-ce pas ? C’est pourquoi je propose qu’à l’avenir - et je suis sérieux - on s’adresse plutôt à une agence de communication, dont c’est le métier de maitriser les visuels, qu’ils soient symboliques ou non.

Nos 7 Conseillers fédéraux sont 8 sur l’image... rassurez-vous, ce n’est pas le directeur de l’UBS qui a été invité sur la photo. Le 8e personnage est Madame Corina Casanova, Chancelière de la Confédération.

Les épisodes précédents de la saga sont à revoir ici et ici. (Nos amis français y retrouveront quelques explications sur notre système politique, qui doit leur sembler bien compliqué.)


Addenda du 31.12.2008:

Comme le mentionne Photoculteur dans son commentaire ci-dessous, le Téléjournal a aussi présenté cette image. L’« expert » à qui on a demandé son avis a plutôt bien aimé cette photo... enfin, selon des critères plutôt pipoles et dans un style qui ferait très « micro-trottoir » s’il n’avait été tourné sous les lambris d’un palace. Or, il faut savoir que cet habitué de nos médias locaux n’est autre que Monsieur Pierre Keller, directeur de l’ECAL (École cantonale d’art de Lausanne). On aurait pu attendre un peu plus de hauteur et de sens critique de la part d’une personne en charge de la formation des élites du design de demain. Mais, Monsieur Keller, en fin diplomate et politicien avisé, a sûrement de bonnes raisons d’être respectueux de l’establishement.

Béat Brüsch, le 31 décembre 2008 à 17.53 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: dispositif , peoples , société
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Le cas de Carl Just dont on a parlé récemment en Suisse m’a interpellé et j’ai voulu en savoir plus. J’ai abordé plusieurs fois le photojournalisme de guerre dans ce blog et le fait que Carl Just ne soit pas photographe ne change pas grand-chose au fond.


Carl Just (52 ans) a été reporter de guerre pendant plus de 25 ans pour le compte de titres tels que Stern, Schweizer Illustrierte, Blick, etc. Ce grand reporter a ainsi suivi de très près les guerres, massacres et autres génocides qui ont ensanglanté le monde. Il a assisté aux guerres Iran-Irak dans les années 80, aux 2 guerres du golf et aux guerres de l’ex-Yougoslavie. Il a couvert les conflits libanais et israélo-palestiniens. En 2002, il reçoit le prix Ringier pour des « performances journalistiques exemplaires ». 2 ans plus tard, il est brisé, il souffre de stress post-traumatique. En juillet 2007 il est licencié par son employeur, le groupe Ringier [1]. Estimant que son employeur n’a pas reconnu sa maladie et que celle-ci était imputable à son travail, il se tourne vers le tribunal des prud’hommes. Lors du procès, le 4 septembre 2008, les avocats des 2 parties ont convenu d’un dédommagement dont le montant n’a pas été communiqué. [2] L’avocat de Carl Just a déclaré que cette transaction n’avait pourtant pas force de loi.

Le Post-Traumatic Stress Disorder (PTSD)

ou état de stress post-traumatique (ESPT), est une affection qui est bien connue dans les pays ayant une armée en guerre. Sa réalité est vieille comme le monde, mais son étude et sa reconnaissance sociale sont plutôt récentes. De la part des autorités, cette reconnaissance est souvent difficile, surtout pour des motifs de propagande négative qu’on peut aisément imaginer mais aussi pour de simples raisons pécuniaires. Le public est cependant sensibilisé aux problèmes des retours de guerre depuis celle du Viet Nam qui a engendré bon nombre de films qui rompaient avec une tradition du film patriotique hollywoodien. Ces films abordent de différentes manières les problèmes soulevés par le PTSD, que celui-ci survienne pendant les combats ou au retour de guerre. Le cinéma ayant joué un rôle majeur dans la reconnaissance de ces troubles, je m’en remets à un texte consacré au cinéma [3] pour citer une définition du PTSD :
« ... Le PTSD est défini comme une névrose de guerre chronique attenante à toutes les misères et horreurs subies pendant les hostilités ou à l’effroi éprouvé lors d’un évènement unique, tel que combat rapproché, embuscade, bombardement, arrestation, déportation, torture. La névrose se déclenche après un temps de latence qui peut aller de plusieurs mois à quelques années et se traduit par des souvenirs obsédants, des visions hallucinées, des cauchemars, des accès d’angoisse ou d’irritabilité, un sentiment d’insécurité permanent, une peur phobique de tout ce qui rappelle la guerre ou la violence, l’impression d’être incompris, une forte lassitude, ainsi qu’une tendance au repli sur soi dans d’amères ruminations. Si auparavant les médecins mettaient ces symptômes sur le compte de la dépression, l’apparition croissante des séquelles tardives des vétérans du Vietnam entre 1975 et 1980 attirèrent l’attention des professionnels de la santé mentale, de l’administration des vétérans et des pouvoirs publics. Au lieu de prescrire aux vétérans des antidépresseurs qui ne font qu’écrêter les symptômes sans résoudre la cause du mal, on a pu mettre en place un accompagnement psychiatrique adapté. On utilise par exemple "la propre parole du patient (verbalisation cathartique) pour lui faire prendre son indicible trauma à son compte, lui qui, ancré dans son statut de victime, n’en voulait rien savoir"... »
Voilà pour les soldats.

Ce qu’on sait moins, c’est que les journalistes

confrontés aux mêmes horreurs peuvent développer les mêmes traumatismes. [4] S’ils sont journalistes de guerre et donc exposés de manière répétée, les risques sont évidemment plus marqués. Selon une synthèse de différentes études présentée par le Dart Center [5] :
- Seuls 5.9% de photojournalistes exposés à des événements tragiques présentent des risques de développer un PTSD. Ils sont 4.9% dans la presse écrite.
- S’agissant de reporters de guerre, les risques pour le PTSD se montent à 28%, les risques de dépression à 21% et les risques liés à l’alcool et aux autres drogues à 14%. Sources et page complète ici. Une autre étude a par ailleurs montré que les journalistes de guerre « embedded » présentaient les mêmes taux de risques de développer un PTSD que les autres.

Les problèmes liés au PTSD des journalistes sont peu pris en compte de ce côté de l’Atlantique. Carl Just déclarait dans une interview télévisée (v. plus bas) : « J’ai eu la malchance de tomber - dans cette Suisse pacifique - sur un éditeur relativement petit, d’un point de vue international, et d’incarner le premier cas (ndlr : de PTSD). Je dois assumer cela. Je le fais... Comme si je n’avais pas déjà assez fait la guerre ! »

Les Américains sont des pionniers en la matière, normal, ils sont aussi les plus belliqueux ! [6] On y trouve bien sûr de nombreux organismes (privés, associatifs, charitables et même gouvernementaux) s’occupant des soldats de retour de guerre. Depuis le début des années 90, les reporters de guerre y bénéficient de structures spécifiques. Les grands groupes de presse d’outre-Atlantique en sont partie prenante et ont mis en place des procédures de diagnostic pour les journalistes exposés ou l’ayant été. D’autres mettent sur pied des cours préventifs pour apprendre à gérer des situations de grand danger. Les photographes (et cameramen) de guerre sont plus exposés que d’autres journalistes de guerre, car ils sont obligés de travailler très près des dangers. Et le Dr Feinstein [7] de rappeler le mot de Capa : « Si vos photos ne sont pas assez bonnes, c’est que vous n’étiez pas assez près. »

Dans une interview

réalisée par le Tages Anzeiger [8], Carl Just nous raconte sa vie actuelle, retiré à la campagne, loin du fracas du monde. Il détaille quelques cauchemars post-traumatiques qui le font replonger régulièrement, puis il nous parle métier. Extraits...
« – Pourquoi êtes-vous devenu reporter de guerre ?
– Quand j’étais jeune homme, j’étais persuadé qu’il suffirait que j’écrive 4 articles contre Le Mal pour que le monde devienne meilleur. J’étais politiquement très à gauche. Plus à ma gauche, il n’y avait guère que le mur de Berlin. À l’époque, certains films qui honoraient les reporters de guerre étaient populaires : par exemple, « Under Fire » avec Nick Nolte. C’est cet amalgame qui m’a fait devenir reporter de guerre. Quand, de retour du front, je rentrais à la maison ou au bar de l’hôtel, j’étais un héros pour les gens : quand je racontais, ils étaient suspendus à mes lèvres. Et les plus belles femmes étaient à mes pieds. C’est ainsi qu’on devient un macho.
– Étiez-vous devenu accro à ce style de vie ?
– (...) L’adrénaline provoque-t-elle une dépendance ? Probablement oui. En tant que reporter de guerre, tu finis par devenir arrogant et présomptueux : parfois quand je me trouvais en Suisse, je disais aux gens : « Que sais-tu donc des vrais problèmes de ce monde, la Suisse est tellement ennuyeuse ». Tu te mets alors en quête d’un « shoot » d’adrénaline et tu repars dans une région en guerre.
...
– On reproche aux reporters de guerre de se laisser embrigader par les parties et de témoigner unilatéralement. Étiez-vous un journaliste « embedded » ?
– L’opinion est fabriquée loin du théâtre des opérations. Les rédacteurs en chef dînent avec des politiciens importants et décident ensemble qui est le gentil et qui est le méchant. De retour à la rédaction après un reportage, mon chef me racontait ce qu’il en était de la situation sur place, là d’où je revenais. Ils construisaient l’histoire que je devais raconter. Longtemps je n’ai pas remarqué que j’étais manipulé par la rédaction. En même temps, ils me célébraient comme leur envoyé spécial (Mann vor Ort). »

La veille de son procès, la TV Suisse alémanique a diffusé une interview de Carl Just que l’on peut voir ici. - Scrollez la page jusqu’à : Kriegsreporter gegen Ringier : Prozess wegen Kündigung. (Les réponses de l’interviewé sont en dialecte suisse allemand, une langue hors de portée des non-initiés ;-)

Pour Carl Just, dans ce procès il en allait de sa réhabilitation

et de ce point de vue, il est relativement satisfait. Mais le plus important pour lui était de lancer ce thème du PTSD. On a ainsi pu apprendre à quels risques les journalistes en terrain de guerre pouvaient s’exposer en plus des dangers physiques immédiats.

C’est un début. Le procès ne fera pas jurisprudence. D’après ce qu’on peut constater en lançant quelques recherches sur internet, en Europe, le sujet du PTSD des journalistes reste très confidentiel, cantonné à quelques publications scientifiques s’adressant à des chercheurs. (Mais c’est bien volontiers que je publierai un démenti à cette affirmation ;-)

Notes:

[1] Ringier (Blick, Schweizer Illustrierte) est le plus grand éditeur de presse suisse. (Edipresse est le 2e, alors que Tamedia, éditeur du Tages Anzeiger est le 3e.)

[2] Carl Just réclamait 200’000 francs suisses.

[3] Il était une fois le cinéma - Les traumatismes psychiques de guerre dans les films américains de 1975 à 1980 : vers une reconnaissance sociale des vétérans du Vietnam - Article de Rémi Forte

[4] Des catégories de personnes de la vie civile sont évidemment concernées aussi : victimes ou témoins de prises d’otages, d’accidents, de catastrophes naturelles, d’attentats, de viols et de toutes formes de violence.

[5] Le Dart Center est un réseau de journalistes, formateurs de journalistes et professionnels de la santé s’occupant de tous les aspects de la couverture médiatique d’évènements tragiques. Il s’inquiète aussi de l’impact qu’ils peuvent avoir sur les journalistes qui couvrent ce type d’événements.

[6] J’aimerais trouver une étude qui recenserait les jours ou ce pays n’est pas en train de guerroyer quelque part !

[7] The War Inside - article en anglais sur les travaux du Dr Feinstein. Le Dr Anthony Feinstein est un spécialiste du PTSD, qui préside un site internet - sponsorisé par CNN - que les journalistes peuvent utiliser pour une auto-évaluation de leurs risques de présenter des syndromes en rapport avec le PTSD.

[8] Tages Anzeiger - Schweizer Starreporter : Immer wieder den Krieg im Kopf - Interview Dario Venutti. Aktualisiert am 11.11.2008

Béat Brüsch, le 17 novembre 2008 à 23.34 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: guerre , photojournalisme , société
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La lutte contre le tabagisme est à l’ordre du jour en Suisse. On en discute ces jours au parlement fédéral. Plusieurs cantons voteront prochainement sur différentes initiatives et autres contre-projets. Le fédéralisme est compliqué et difficile quand, en l’absence d’une décision centrale forte, chaque canton est amené à légiférer dans son coin.
C’est toujours la fumée passive dans les cafés et restaurants qui pose problème. Dans le canton de Zürich, la Ligue pulmonaire (Lungenliga) dispose de 10 fois moins de moyens publicitaires que ses adversaires tabagistes pour sa campagne d’affichage. Comme souvent dans ce cas de figure, la tentation de se distinguer par la provoc est forte. La Ligue y a succombé, si on peut dire ! Les images des 3 affiches de sa campagne, elle est allée les chercher dans les archives des polices américaines. Elles représentent des victimes de la mafia tuées en plein repas, au restaurant, dans les années 1920 à 1930. Le slogan : « Le tabagisme passif tue aussi » Moi qui suis d’ordinaire le premier à me réjouir de ces transgressions publicitaires, j’ai cette fois l’impression qu’une ligne rouge a été franchie. Elle l’a été d’une part, dans le choix des images et d’autre part, dans la naïveté du message.
En ce qui concerne le choix des images, je ne me souviens pas qu’on ait « recyclé » en publicité des images d’actualités d’une telle violence. [1] Car enfin, il y a là des cadavres d’êtres humains clairement montrés et peu importe que ces morts soient ou non des crapules (on n’en sait d’ailleurs rien). On voit certes beaucoup de cadavres de nos jours, mais ils sont souvent fictifs et scénarisés (films, jeux vidéo). Les images de vrais cadavres sont visibles, quant à elles, au rayon du journalisme pour dénoncer des guerres ou d’autres formes de violences. Je ne me souviens pas non plus d’avoir vu de telles images utilisées sans qu’elles produisent du sens, ce qui aurait pu, d’une certaine façon, les « racheter » un peu. Je cherche vainement dans ces affiches une métaphore signifiante et je ne trouve qu’une violence brute sans identification possible avec la « subtile » et insinuante lenteur d’une mort due au tabagisme (passif ou actif, il y a peu de différence). Le message n’est absolument pas maitrisé par ses auteurs. Les morts de ces affiches sont les acteurs involontaires d’un amalgame interprétatif. Beaucoup comprendront que les fumeurs sont désignés ici comme des assassins aussi violents que conscients, ce qui est faux et le public le sait. Et on peut être sûr que beaucoup de citoyens assimileront confusément ces cadavres à ceux de « l’ennemi », le vilain fumeur. Dans les 2 cas le message sonne faux et mène au rejet de ces affiches et peut-être de la cause qu’elles défendent. Qu’en reste-t-il ? Une provoc pure et simple, gratuite, dont on ne peut prédire exactement le sort que lui réservera le Café du Commerce. La faiblesse des moyens financiers est-elle une raison suffisante pour courir ce risque ? À mon avis, si c’est pour asséner un message aussi confus, cela n’en vaut pas la peine.

Il est très fréquent, surtout chez les Anglo-saxons, que les organismes actifs dans la prévention sociale (accidents, santé, drogues, etc) utilisent des images ou des scénarios très durs pour impressionner le public. [2] Mais ces messages sont toujours très construits et parfaitement scénarisés. Bien qu’elle agisse souvent comme un amplificateur du propos, leur violence n’est pas gratuite, elle fait partie d’un système narratif dont la logique ne laisse que peu de marge interprétative au spectateur.

À voir ici, la description d’un bel exemple de ce qu’on peut faire en utilisant des images d’actualités de manière provocante (UNHCR). Plus d’images sur cette campagne ici. Revoir aussi sur Mots d’images, la campagne d’Amnesty International et celle de l’Union Syndicale Suisse. Présentation de la campagne sur le site de la Ligue pulmonaire. Article de Swissinfo sur cette campagne.

Avertissement : Je suis professionnellement impliqué dans la lutte contre le tabac. Dans ce billet j’ai essayé de rester neutre en ne parlant que d’images. Dans la même logique, je n’accepterai pas de commentaires partisans ou qui parleraient d’autres choses que du sujet de ce billet.

Notes:

[1] On pense évidemment à Olivero Toscani pour Benetton. Mais son cas est assez différent en ce qu’il réalisait ses propres photos et parce que son discours se situait à un autre niveau que celui d’une publicité directe pour le produit.

[2] Ces campagnes sont souvent réalisées gratuitement par des agences de publicité qui « se lâchent » pour montrer qu’elles valent mieux que l’idée qu’on s’en fait à travers la promotion de poudres à lessive ou de yaourt minceur ;-)


Addenda du 17.09.2008:

Dans le canton de Zürich, l’initiative vantée par ces affiches - interdisant de fumer dans tous les bistrots, sauf dans des fumoirs séparés, non desservis et dotés d’une ventilation propre - a été acceptée à 56.58 %. Le contre-projet du parlement et du gouvernement - plus laxiste - a obtenu 49.55 %.
L’histoire ne dira jamais le rôle exact qu’ont pu jouer ces affiches dans ce scrutin...

Béat Brüsch, le 17 septembre 2008 à 23.45 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: affiche , publicité , société , éthique
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Le photographe Andreas Seibert a entrepris depuis 2002 un travail documentaire sur les conditions de vie des travailleurs migrants en Chine (les mingongs). Son site présente 4 magnifiques portfolios qu’on peut consulter sur cette page. (N’oubliez pas de lire les textes et légendes ;-) Ses photos sont empreintes d’une esthétique simple, directe et font preuve d’une maitrise technique époustouflante. Admirez sa virtuosité dans l’utilisation de la profondeur de champ. A la vue de cet univers de migrants intérieurs, je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec le travail de Samuel Bollendorff que j’évoquais ici, il y presque une année. Les approches respectives des 2 photographes ne me semblent pas foncièrement différentes. Mais on ne peut en dire autant des résultats visuels ! Si sur certains points on peut trouver quelques analogies (les mises en page centrales des personnages, par exemple), force est de constater que le rendu de leurs photos est très différent. Chez l’un, les photos ont un aspect « brut de décoffrage », alors que chez l’autre on peut, en exagérant à peine, parler d’une qualité « studio ». Que faut-il en déduire ? Le rendu de ces images est-il déterminant pour leur force ?
Les images de Bollendorff montrent bien qu’elles ont été faites à la sauvette, en cachette, dans des conditions d’éclairage non contrôlées. Mais elles laissent voir aussi que la postproduction a été succincte, voire inexistante. Il n’y a, semble-t-il, pas eu de tentatives de rattraper une lumière défaillante ou une couleur qui aurait « dérapé ». (Que le photographe me pardonne, mais on a un peu l’impression que les photos on été réalisées avec un appareil de poche argentique et tirées au supermarché du coin ;-) Cela est-il le résultat d’un choix esthétique délibéré de la part du photographe ? Cet effet est-il cultivé, appuyé, voire exagéré ? Et dans quels buts ?
Avec les images de Seibert, on ne ressent pas du tout cette impression de photos arrachées en vitesse avant qu’un agent de surveillance ne vienne mettre fin à la séance. Pourtant, les acteurs sont presque les mêmes et se prêtent au jeu avec simplicité. Certaines photos sont visiblement un peu plus posées et toutes sont soigneusement (et respectueusement) postproduites. Cela les rend-il moins convaincantes ?
En ce qui me concerne, j’adhère sans peine aux deux types de photos, à leur profonde humanité et je respecte les démarches qui y conduisent, mais je voudrais connaitre ce qui motive les unes et les autres. Les photos approximatives à gros pixels apparents dont on a cru un moment qu’elles envahiraient une presse en mal de crédibilité sont elles toujours « tendance » ? Ou faut-il prendre ces photos peu travaillées pour une résurgence de l’Arte Povera ? Mais aussi, peut-on demander à un photographe professionnel, maitrisant parfaitement les aspects techniques de son métier, de tout oublier pour ne pas être accusé de « faire de l’esthétique sur le dos de la misère »...? (C’est ainsi que c’est parfois formulé !) Ce débat est ouvert depuis longtemps, on le voit par exemple ressurgir chaque année au moment des prix du World Press Photo. Je n’y apporte pas de solution, je propose juste quelques questions de plus... et une comparaison.
Andreas Seibert est né en Suisse en 1970 et a étudié à Zürich. Depuis 1993 il vit et travaille à Tokyo. On peut voir un accrochage de la série From Somewhere to Nowhere jusqu’au 26 septembre à la galerie Coalmine à Winterthur (Suisse). Les 4 portfolios sont visibles sur son site où vous trouverez également une biographie.
Le travail de Samuel Bollendorff À marche forcée, dont on peutvoir le diaporama ici, a été remarqué l’année passée à Visa pour l’image. Dans une courte interview, il raconte l’adversité à laquelle se heurte un photographe en Chine... j’aimerais en savoir un peu plus, sur ce point, dans le travail de Seibert... Je compte me rendre à son exposition à Winterthur et vous en dirai plus si j’y glâne quelques réponses.

Béat Brüsch, le 16 août 2008 à 00.40 h
Rubrique: Regarder en ligne
Mots-clés: esthétique , exposition , photographe , société , voir
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Début 2007, dans un club anglais, un DJ s’ennuyant à passer ses vinyles se cache la figure derrière une pochette de disque 30 cm/33 tours. Ses facéties sont remarquées et inspirent bientôt d’autres DJ. Il n’en faut pas plus pour que les photos qui en témoignent se retrouvent bientôt sur le net, aussitôt imitées par de nombreux internautes...

Aujourd’hui, le site Sleeveface recueille ces bricolages photographiques réalisés à partir de pochettes de 30cm vinyle, mis en scène en des situations souvent inattendues et presque toujours drôles. Il est à remarquer que tous ces « truquages » sont réalisés à la prise de vue, sans intervention a posteriori. Le dispositif est ainsi mis en évidence, soulignant à la fois la supercherie et la performance. C’est la règle tacite du genre.
Nostalgie ou esprit d’à-propos ? Toujours est-il que cette manifestation apparait comme un dernier tour de piste pour ces pochettes de disque, témoins d’un temps révolu où l’on achetait parfois des disques presque autant pour les belles pochettes que pour la musique qu’ils contenaient.
Le site Sleeveface est la partie « officielle » du mouvement. On trouvera bien plus d’images sur Flickr (1719 à ce jour), quelques vidéos sur YouTube et un groupe sur Facebook.

Béat Brüsch, le 25 avril 2008 à 15.25 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: blogosphère , dispositif , graphisme , société
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