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mot clé «mythe»

Les banques, le chocolat, la propreté ou l’horlogerie sont autant de clichés très répandus de la Suisse. Si ces derniers s’inspirent bien de faits concrets, qu’en est-il de tous les mythes, croyances et symboles qui fabriquent l’imaginaire du pays ? Comment sont-ils nés ? Comment fonctionnent-ils ? Gianni Haver, sociologue de l’image, vient de publier L’image de la Suisse pour faire le tour de ces questions.

De nombreux éléments disparates contribuent à former des représentations mentales qui sont autant d’images des qualités supposées des Suisses, de leur culture et de leur identité. À l’usage de l’étranger, on trouve quelques stéréotypes bien pratiques parce que sommaires et vite assimilés. À l’instar des Français, qui sont tous coiffés d’un béret et portent une baguette de pain sous le bras, les Suisses, s’ils ne sont pas banquiers, gardent leurs vaches pour fabriquer du chocolat au lait. Si les clichés en vigueur à l’extérieur du pays sont finalement peu nombreux, il en va tout autrement pour ce qui est de « l’usage interne ». Les images qui parlent d’eux-mêmes aux Suisses sont extrêmement nombreuses et variées. Plusieurs mythes (Guillaume Tell, serment du Grütli) sont instrumentalisés pour forger une conscience nationale. Historiquement, on explique la profusion d’images identitaires nationales par le fait que la Suisse est un amalgame de 26 petits pays (cantons) qu’il fallait inscrire dans un destin commun. Des symboles et des allégories diverses sont construits pour tendre un miroir identitaire aux Suisses et renforcer leur sentiment d’appartenance à un groupe particulier (Sonderfall).

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Statue de Guillaume Tell à Altdorf
© Béat Brüsch

Ces signes sont utilisés par les instances politiques ou économiques ainsi que par tout organisme pouvant y trouver un intérêt promotionnel. La publicité (qu’elle s’adresse aux Suisses ou aux consommateurs de l’étranger) en fait un grand usage. Les partis politiques, en particulier ceux qui prônent un repli identitaire, abusent de cette symbolique nationaliste. Comme c’est le cas pour toutes les images, un même symbole peut revêtir diverses significations. A ce titre, l’exemple de la Croix-Rouge (une croix suisse aux couleurs inversées) est significatif de l’ambivalence de certaines de ces images : pour la Suisse, c’est une formidable image de probité, de neutralité et de tradition humanitaire [1] qui circule dans le monde, alors que le CICR utilise les mêmes symboles pour « vendre » ... sa probité, sa neutralité et sa vocation humanitaire. On tourne en rond, mais c’est une symbiose qui fonctionne !

À parcourir le livre de Gianni Haver, il semble bien que la Suisse produise plus d’images identitaires que d’autres pays. (Mais en prétendant cela, ne suis-je pas déjà victime d’un particularisme suisse ?) Heidi, Winkelried, le général Guisan, la fondue, le Cervin, la Croix-Rouge, toutes ces images et bien d’autres (souvent ignorées de l’étranger), sont décortiquées par l’auteur. Dans de brefs textes bien documentés il nous explique simplement leur genèse, les contextes qui ont favorisé leur élaboration et comment elles sont utilisées.

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© Mix & Remix

Quand on se saisit de l’ouvrage on ne perçoit pas immédiatement le sérieux de son propos, car on est tout de suite embarqué par les dessins piquants de Mix & Remix, toujours aussi confondants de bon sens et de simplicité pour une efficacité humoristique maximale.

Dans le livre, les éléments qui forment l’imaginaire collectif des Suisses sont répartis en plusieurs chapitres judicieusement structurés. Ils permettent une consultation du livre dans le désordre (oui, même en Suisse !) en se frayant son propre chemin. Chaque chapitre se termine par une partie iconographique réunissant les reproductions des documents les plus significatifs (imprimés un peu à la louche sur un papier « uncoated »). Cette partie, indispensable pour qui veut « voir de ses yeux », me laisse un peu sur ma faim, car j’aurais voulu en voir plus. Bien que le choix des pièces soit pertinent, la quantité restreinte de documents me donne une impression de « service minimal ». Il est vrai que le livre ne s’adresse pas à un public spécialisé et que, par ailleurs, les chercheurs sont supposés connaitre les corpus qui fondent leurs analyses. Mais quid du public qui s’intéresse aussi à la recherche ?

Plus d’une trentaine de clichés sont ainsi passés en revue et il n’en manque qu’un, à mon sens : comment ne pas évoquer Betty Bossi, l’égérie consumériste des ménagères suisses ? C’est dans son catalogue d’instruments de cuisine, aussi ingénieux que superfétatoires, que l’on mesure le niveau du perfectionnisme helvétique. Cela ressemble à la quête d’un absolu en lutte permanente contre le chaos du monde ! Cette exigence de perfection produit des cuillères qui ne tombent pas dans le plat, des couvercles à retourner les röstis sans en mettre la moitié par terre, des presse-vermicelles miracle à disposition optimale des trous pour obtenir des vermicelles bien réguliers ainsi qu’une multitude d’éplucheurs magiques en set de trois, pour les petites, les moyennes et les grandes carottes, le tout destiné à faire déborder les rangements de toutes les cuisines suisses qui se respectent. Bien sûr, ce perfectionnisme s’applique généralement à de plus nobles desseins, mais de constater où il va se nicher en dit long sur son enracinement.

Au final, le livre se présente comme un agréable condensé d’Histoire suisse ayant fait l’école buissonnière en se promenant dans les images. Gianni Haver est sociologue de l’image à l’Université de Lausanne. Mix & Remix est le dessinateur connu surtout pour ses dessins humoristiques publiés dans l’Hebdo. L’image de la Suisse, 127 pages, 18.00 CHF, est publié aux éditions LEP. On peut le commander chez l’éditeur et aussi en consulter quelques bonnes feuilles.

Notes:

[1] Image un peu écornée tout de même avec des campagnes récentes stigmatisant certaines catégories de la population.

Béat Brüsch, le 16 novembre 2011 à 10.14 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: culture , histoire , mythe
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Je ne suis pas allé voir les images de Neda, innocente jeune fille iranienne morte devant une caméra dans les rues de Téhéran. J’ai hésité, puis j’ai lu les commentaires sur le blog d’André, j’ai lu aussi le vibrant billet d’Olivier. Non, je n’ai pas pu...

Mais, au lendemain de l’avoir découverte, cette image non vue me hante encore. Elle habite mes pensées bien plus que si je l’avais vue. D’ailleurs, je crois que je l’ai vue... elle est comme toutes les images de mort directe qu’on peut voir. Douceur, brutalité, impuissance.

Cette image devait-elle « sortir » ? Bien sûr que oui. Grâce à des technologies difficiles à contenir, c’est tout ce qui peut encore s’échapper du couvercle que les Ayatollahs veulent installer sur le peuple iranien. Cette image, grâce à - ou à cause de - sa brutalité est un témoignage indispensable. À l’instar de la Petite fille brûlée au napalm ou de l’Homme de Tian’anmen, deviendra-t-elle mythique ? Il est trop tôt pour oser l’affirmer, mais quelque chose me dit que sa vue est trop insoutenable pour le devenir. Ces images, pour devenir iconiques, doivent afficher une évidente force métaphorique, évoquer la mort plus que la montrer. On me rétorquera que l’image du Vietnamien tué d’une balle dans la tête est restée dans toutes les mémoires. Oui, mais c’est un instantané, en noir/blanc un peu bougé, qui grâce à ses « imperfections » conserve malgré tout un aspect évoquatif. On y voit moins la mort à l’oeuvre que dans la vidéo d’une agonie. Peut-être que l’image de Neda restera dans les consciences pour la raison que sa vue est insoutenable...?

Sommes-nous dans une escalade de la violence imagière ? Peut-être que la circulation des images nous a, en quelque sorte, blindés et nous amène à en vouloir toujours plus, sans tabous ? La faculté d’auto-publication inaugurée par les blogs permet de se passer de médiation, que celle-ci soit culturelle, politique, morale, économique ou plus simplement rédactionnelle. C’est un caractère nouveau qui n’est pas toujours pris en compte lorsqu’on évoque les changements de société induits par les nouvelles technologies. La rapidité, la facilité ou la gratuité sont des facteurs certes positifs, mais qui ne favorisent pas forcément une mise en perspective. Les matériaux publiés sont souvent bruts : à vous de vous débrouiller avec !

Sans cesser d’être voyeurs, essayons de rester regardeurs.

Béat Brüsch, le 22 juin 2009 à 16.50 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: mythe , médias , société , viralité
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Les lacustres

On nous a menti, les lacustres c’est du pipeau, ça n’existait pas ! Du moins, ce n’était pas comme on nous l’a dit et surtout pas comme on nous l’a montré à travers l’imagerie développée autour de cette civilisation. On le sait depuis un moment, mais la force et la séduction de ces images idylliques est tenace. Pour l’attester, le musée du Laténium à Neuchâtel (Suisse) a mis sur pied une exposition : L’imaginaire lacustre - visions d’une civilisation engloutie.


Tout commence en 1854, au bord du lac de Zürich, lorsqu’on met à jour des alignements de pieux de bois plantés dans le lac ainsi que de grandes quantités de matériaux bizarres en os, en pierre, en terre cuite et en bois de cerf. Ferdinand Keller est le président de la Société des Antiquaires de Zürich et identifie rapidement ces découvertes comme des vestiges préhistoriques. Dans une grande frénésie, les collègues qu’il a alertés retrouvent le même type de gisements autour d’autres lacs suisses. La découverte est stupéfiante et Keller publie la même année un long rapport dans lequel il propose une interprétation audacieuse de ces trouvailles : il s’agirait de vestiges de villages érigés au-dessus de l’eau. La « civilisation lacustre » était née et la nouvelle fut accueillie avec enthousiasme par la communauté savante et les élites intellectuelles et bourgeoises.

La fascination qu’exerça la « théorie lacustre » sur les archéologues de l’époque tenait bien sûr à ce qu’elle semblait fondée. Des prédispositions psychologiques et romantiques firent le reste en mettant en branle tout un imaginaire évoquant, entre autres, les mondes engloutis de l’Atlantide ou de la cité d’Ys en Bretagne. Mais les éléments décisifs furent apportés par le contexte politique et idéologique du moment. La Suisse sortait d’une période troublée de révolutions et de guerre civile (Sonderbund). En 1848, une nouvelle constitution démocrate et progressiste voit le jour. Après des bouleversements déstabilisants et face aux menaces de ses voisins, l’état se cherche une nouvelle cohésion nationale, car les mythes fondateurs traditionnels (Guillaume Tell, etc) ne tiennent plus. Ces « nouveaux » ancêtres tombent à pic pour construire une nouvelle identité nationale. La société agricole et artisanale de ces lacustres apparait comme une communauté parfaite : égalitaire, laborieuse et pacifique. Comme une île au milieu des tourments du monde, le village isolé au-dessus de l’eau, à l’abri du danger, constitue une parfaite métaphore du « Sonderfal suissel » (pour beaucoup, ce credo tient toujours ;-) La violence existentielle que l’on prêtait aux habitants de la préhistoire fait place à une société beaucoup plus harmonieuse, beaucoup plus présentable. De se savoir les descendants millénaires d’un si beau modèle de civilisation valorise les Suisses et les conforte dans l’image particulière qu’ils se font d’eux-mêmes.

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Première représentation de lacustres
Proposition de reconstitution de village lacustre (1854), par Ferdinand Keller - Laténium

L’imagerie apparait dès les premières publications sur les découvertes lacustres. Elle va tenir une place prépondérante dans la manifestation de tous les phénomènes liés aux lacustres. Ferdinand Keller lui-même, propose d’emblée une projection imagée de ce que pouvait (devait) être un village lacustre. Accompagné de schémas de relevés tout à fait précis et sérieux, son dessin de village lacustre donne l’impression qu’il résulte de la transposition exacte des observations de terrain. (On a découvert depuis, que son imagination avait été guidée par une gravure rapportée par Dumont d’Urville de retour de Nouvelle-Guinée.) Keller n’avait pourtant pas cherché à faire passer son dessin pour une réalité. Mais en tombant dans l’effervescence des premières prospections, cette illustration bénéficia d’une publicité extraordinaire et échappa littéralement à son auteur. Elle devint la référence incontournable munie d’un statut de vérité intangible. Il faut dire, à la décharge de Keller et de ses confrères, que ces découvertes sur la préhistoire étaient tellement inouïes qu’il était difficile de les mettre en perspective (un peu comme si nous découvrions des petits hommes verts à moins d’une année-lumière de chez nous !).

Dans les années qui suivent, les fouilles se poursuivent et de nombreux travaux sont publiés. Dès 1860, on remarque que les images - produites maintenant par des illustrateurs et non plus par les archéologues eux-mêmes - se distinguent de plus en plus du propos scientifique en se référant à des codes fixés dans les premiers dessins, devenus ainsi des standards immuables. À partir de là, le mythe des lacustres est bien établi et se perpétue à travers une imagerie d’Épinal. Mais on n’allait pas en rester là. Sous l’impulsion des archéologues, cette fois, il se créa de nombreuses maquettes à des échelles de plus en plus grandes, jusqu’aux reconstitutions en grandeur nature. Cette vogue des représentations en volume culmina lors de l’Exposition universelle de 1889 avec un village lacustre érigé au pied de la tour Eiffel. Ce village soigneusement réalisé éveilla un grand intérêt et fut à la base d’une consécration de la théorie lacustre auprès du public international.

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Village lacustre de l’âge de la Pierre
Auguste Bachelin (1867), huile sur toile (263 x 161 cm). Musée national suisse, Zurich .

Les beaux-arts ne sont pas en reste. En cette fin de siècle, on voit s’épanouir une peinture historique reprenant à l’envi les thèmes lacustres. Souvent réalisées selon les directives des archéologues, les oeuvres de peintres reconnus par leurs contemporains renforcent encore la légitimité scientifique. Elles donnent de l’épaisseur à des scènes qui sont ainsi bien plus vivantes que ne pouvaient l’être de petites gravures souvent maladroites. Ces toiles ont ouvert la voie à un florilège d’estampes, de calendriers, de romans, de livres scolaires et de livres pour la jeunesse. Par la diversité des supports utilisés, l’imagerie lacustre se diffuse ainsi dans toutes les couches de la population. Elle n’est plus réservée à des élites formées et devient une sorte de ciment social reliant toutes les catégories entre elles, chacune de ces catégories se réservant par ailleurs ses propres canaux. Ainsi, pendant que les almanachs se répandent jusque dans les chaumières les plus reculées, les citadins fréquentent les musées.

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Groupe lacustre de l’âge de la pierre
Figurants d’un cortège historique à Neuchâtel (1882) - Laténium

Dans l’entre-deux-guerres - patatras ! - la théorie lacustre commence à être remise en question. De nouvelles découvertes, ainsi que des études plus efficientes, concluent que les villages pallafitiques étaient en réalité bâtis sur la terre ferme. Les pilotis servaient surtout surélever les planchers pour les isoler de l’humidité et à se préserver des crues annuelles. D’autres disciplines scientifiques apportent aussi des précisions sur les variations du niveau des lacs sur le long terme et conduisent aux mêmes conclusions. Des conditions locales très diverses font toutefois qu’il n’y a pas de modèle idéal et qu’une grande variabilité se retrouve dans ces habitats. Dans les années 1970, la communauté scientifique fait clairement le deuil des théories lacustres.

Aujourd’hui, les musées et les publications tiennent naturellement compte de ces ajustements. Les villages sont maintenant représentés au bord de l’eau. Pour un public un peu distrait, ce n’est pas très différent de l’ancienne représentation et la confusion s’installe quelques fois. (Il est à remarquer que le nom n’a pas changé, on les appelle toujours Les lacustres !) Il est impossible de faire oublier un mythe construit sur une telle imagerie. Surtout s’il sert aussi bien la cause du repli identitaire qui marque toujours, consciemment ou non, la mentalité de nombreux confédérés. Tout le monde sait bien que Guillaume Tell est le héros d’une légende, mais tous les Suisses font semblant d’y croire, parce que « cela les arrange bien », parce que cela fait partie de leur identité. (J’en connais d’autres qui aiment à croire qu’une vierge s’est fait brûler vive sur un bucher parce qu’elle avait eu des acouphènes, mais je m’égare ;-) Un mythe échappe à toute vérité historique. Il ne peut rendre compte que d’un passé fantasmé au service de préoccupations du présent.

Chromo publicitaireComme on l’a vu, les images ont joué un rôle fondamental dans la constitution du mythe lacustre. Au 19e siècle, la fréquentation des images n’était - et de loin ! - pas aussi répandue que de nos jours. L’usage de la lithographie se démocratise et des publications en font de plus en plus usage. Mais les conditions et les effets de la diffusion en nombre des images sont encore largement ignorés des publicistes, qu’ils soient archéologues ou éditeurs. On ne peut donc accuser les archéologues de légèreté, car ils ignoraient tout de la puissance irrévocable des images. Le public, pas mieux préparé non plus, les a prises comme argent comptant. Au passage, on constate que bien avant l’usage de la photographie, on investissait nos attentes de vérité dans d’autres types d’images ;-)

Chromo publicitairePour la création du mythe, le terreau était favorable et les archéologues peu conscients de ce qu’ils semaient. Leurs trouvailles étaient tellement inattendues qu’il fallait bien qu’ils essaient de les représenter visuellement pour les tester. Dans le texte d’une publication, on peut éluder les parties obscures ou mal résolues sans que ce texte en souffre. La linéarité du texte permet d’en maitriser l’expression bien plus précisément que ne l’autorise une illustration dont tous les éléments apparaissent simultanément et que le spectateur peut relier selon ses attentes et sa subjectivité. Comme la nature, l’illustration a horreur du vide. Il est difficile d’y laisser des parties en blanc - comme les parties inexplorées des anciennes cartes de géographie - sous peine de nuire gravement au « fonctionnement » de l’image. Les parties inconnues sont donc remplacées par ce qui parait le plus vraisemblable. Et ce « vraisemblable » est une porte grande ouverte au contexte, à la normalité des usages, mais aussi aux attentes du moment. En regardant cet aspect des images, on en apprendra bien plus sur l’époque de leur réalisation que sur l’époque évoquée. « Passée par le prisme de la représentation artistique, l’image prend vie sous le regard du spectateur ; c’est même précisément ce regard extérieur qui lui donne vie. En somme, on peut dire qu’en donnant une forme concrète au passé, l’artiste perd le contrôle sur son image : celle-ci est en quelque sorte prisonnière des représentations imaginaires de ceux qui la contemplent. » [1]

L’exposition L’imaginaire lacustre - visions d’une civilisation engloutie se tient encore jusqu’au 7 juin 2009 au Laténium. Si vous ne connaissez pas le musée du Laténium, cette exposition est une bonne occasion de vous y rendre. À vrai dire, l’exposition temporaire ne tient pas une énorme place dans le cours de la collection permanente du musée. Elle permet toutefois de voir quelques peintures historiques et les originaux de nombreuses gravures. Le livre [2] édité à cette occasion me semble beaucoup plus complet, tant pour le texte que pour la généreuse iconographie. Je m’en suis d’ailleurs très largement inspiré pour vous livrer ce billet ;-)

Le Laténium est un musée passionnant à plus d’un titre. Il couvre pas moins de 500 siècles d’histoire ! Les périodes préhistoriques en constituent évidemment la partie la plus importante. Le musée est érigé au bord du Lac sur l’emplacement d’une fouille lacustre et à un jet de pierre de La Tène, lieu-dit qui a donné son nom à la période éponyme caractérisant le Second âge du fer. Architecture et muséographie s’y allient pour former un ensemble d’une grande cohérence. La visite se fait dans le sens chronologique inverse (comme dans les blogs !) et commence sur une pente douce, comme pour entrer dans les profondeurs du temps. De loin en loin, les murs portent les repères chiffrés des échelles du temps. Pour le dire simplement... c’est beau. Le lieu respire la sérénité et nous réconcilie un peu avec le temps du monde. Compter plus de 2 heures de visite sans les extérieurs. Les enfants ne sont pas oubliés, des postes ludiquo-interactifs émaillent le parcours. Le Laténium a obtenu le Prix du Musée du Conseil de l’Europe en 2003. Voir ici le site du Laténium.

Notes:

[1] ibid.

[2] Marc-Antoine Kaeser, 2008. Visions d’une civilisation engloutie : La représentation des villages lacustres, de 1854 à nos jours / Ansichten einer versunkenen Welt : Die Darstellung der Pfahlbaudörfer seit 1854. Bilingue, 160 pages, format 23 x 28.5 cm © Hauterive, Laténium / Zürich, Schweizerisches Landesmuseum. ISBN 2 - 9700394-2-2

On peut commander le livre (29 CHF) via e-mail depuis le site du Laténium. On le trouve aussi dans la liste des Publications sur le site des Musées Nationaux suisses. Pour l’obtenir, on se rendra à cette page où on vous indiquera également une adresse e-mail pour commander les ouvrages.
Je rappelle que nous sommes en 2009 et que les Musées Nationaux suisses sont probablement les derniers éditeurs qui n’ont pas de débouché vers une boutique en ligne. Les lacustres peuvent toujours ramer, c’est pas demain qu’on va mettre le feu au lac !

Béat Brüsch, le 9 mai 2009 à 01.29 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: histoire , musée , mythe , société
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