Mots d'images


... il n’est qu’à voir les nombreux graphiques, diagrammes, infographies et autres dessins explicatifs qui agrémentent nos journaux imprimés ou télévisés pour s’en convaincre.
Petite parenthèse linguistique. La « visualisation graphique de données abstraites » est le terme le plus adéquat pour désigner cette activité. Mais pas le plus bref ! Les anglophones ont retenu « infographics » qui a le mérite d’être court et de résumer une autre bonne définition : graphisme d’information. En français, il semble que tout le monde ne soit pas d’accord : selon Wikipedia, une infographie serait : « tout graphisme créé par ordinateur ». C’est un peu vague. Le fameux TLF, lui, ne trouve tout simplement pas d’entrée pour le terme « infographie » ! Dingue, non ? (Il est vrai que quand on voit leur infâme interface graphique, on se dit aussi que ce type de préoccupation ne doit pas les tracasser !) Je laisse à d’autres le soin d’approfondir ce thème linguistique...
Pour résumer en une seule image ce qu’est une « infographie » pleinement réussie, je ne vous en présente qu’une seule, célèbre. (cliquer dessus pour l’agrandir)

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Elle est considérée par de nombreux spécialistes comme « le meilleur graphique statistique jamais dessiné » (Tout en ne contestant pas ses grandes qualités, je n’irais peut-être pas jusqu’à cette exclusive !). Il s’agit de la carte illustrant la campagne de Russie de Napoléon, dessinée par Charles J. Minard, ingénieur des Ponts et Chaussée en retraite, en 1885 (Ch. J. Minard n’a pas d’article sur Wikipedia en français, il faut se référer à la version anglophone !). Elle corrèle quatre types d’informations : la taille de l’armée, sa position à différentes dates et la température de l’air. L’armée de 422’000 hommes au départ, à gauche, se retrouve à Moscou à moins de 100’000. Elle rentre en France et termine sa campagne avec 10’000 survivants. La taille de l’armée est représentée par la largeur du tracé qui diminue au fur et à mesure. La température est montrée en bas de page et indique verticalement la corrélation avec les pertes humaines. A la recherche de l’expression exacte qui fait le titre de ce billet, je l’ai trouvée ici, avec la signature de... Napoléon. On ne pouvait mieux tomber !

Béat Brüsch, le 30 novembre 2006 à 23.10 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: infographie
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Aujourd’hui je vous emmène dans des territoires de l’image peu répertoriés dans les milieux de la photographie. Ici, pas d’artistes ! L’art est tout entier dans le sujet. (Et dans le regard !) Astronomy Picture of the Day (APOD) présente chaque jour une nouvelle image astronomique. Il n’est pas nécessaire d’être féru d’astrophysique pour apprécier la beauté de ces images. Souvent, leurs seules qualités abstraites suffisent à nous couper le souffle. Bien sûr, quand nous en comprenons (un peu) le sens, c’est encore beaucoup plus beau. Chaque image est munie d’une légende explicative comprenant de nombreux liens pour approfondir. Bientôt, si vous suivez quotidiennement ces parutions, vous en saurez beaucoup sur les profondeurs de notre ciel. Il est à remarquer que les images astronomiques sont probablement les plus « bidouillées » qui soient. Tout est mis en oeuvre pour révéler au mieux ce que l’on désire voir : prises de vues dans des longueurs d’ondes choisies, fausses couleurs produites à la prise de vue ou en post-traitement pour mieux discriminer les éléments, compositage de plusieurs vues, masques flous, etc. Cela se fait en toute transparence et les procédés sont toujours clairement indiqués. On peut même dire que les moyens utilisés sont intégrés à la démarche scientifique.

Petite sélection d’images très « abordables » parues récemment... Cliquer sur les images pour les voir en grand sur le site APOD.

ParanalImage d’ambiance. La lune se couche derrière les télescopes du Cerro Paranal où l’on se prépare à une nuit d’observation du ciel de l’hémisphère sud.

TransitTransit de Mercure devant le Soleil. En réalité, une éclipse de Soleil... mais Mercure est bien trop petite pour réellement éclipser le Soleil !

JanusUne Lune patatoïde de Saturne surprise sur son orbite, par la sonde Cassini-Huygens. Cela ressemble à une image de synthèse, mais ça n’en est pas.

Venus MoonSurprenante image de la lune s’apprêtant à passer devant la planète Vénus. Les 2 astres sont tellement lumineux que la photo a pu être prise en plein jour. (Mais bon, il faut dire que cette configuration est impossible en pleine nuit ;-)

SwanTrès fine image de la comète Swan qui était dans nos parages ces 2 derniers mois.

SpiritUne vue prise par le robot Spirit à partir de Low Ridge hill, son lieu d’hivernage, sur la planète Mars où il est en mission. Il s’agit en fait d’un panorama de 360° qui a été compressé horizontalement.

EagleCelle-ci est pour moi, l’une des plus extraordinaires images parues ces dernières années (1995). Ce gigantesque pilier, formé de gaz et de poussières est une nursery d’étoiles. Les étoiles se forment par accrétion de poussières. Ici, une étoile déjà formée -non visible sur l’image- chauffe le sommet du pilier et provoque l’évaporation des gaz, laissant apparaître des excroissances. Le globule que l’on peut voir au bout des ces excroissances est un gros amas de poussières, qui sous l’effet de la gravitation, va devenir de plus en plus dense, jusqu’a enclencher des réactions nucléaires internes et donner naissance à une étoile et à son cortège de planètes. En savoir +

FogbowPhénomène météorologique : un étonnant arc de brouillard sur la Californie.

HaloUne image d’atmosphère, dans tous les sens du terme. Un halo de Lune derrière les miroirs hexagonaux d’un téléscope.

APOD a été créé et édité depuis 1995 par 2 astronomes : Robert Nemiroff de la Michigan Technological University et Jerry Bonnell du NASA’s Goddard Space Flight Center. Si vous en avez marre de démarrer votre browser avec le portail agité de votre provider, essayez APOD. C’est une bonne adresse pour commencer la journée en prenant de la hauteur ! Sur le site Ciel des Hommes, Laurent Laveder vous propose chaque jour, la traduction en français de l’APOD de la veille (cliquez sur L’image d’astronomie du jour). Ce Flux RSS vous permet d’en être informé.

Béat Brüsch, le 19 novembre 2006 à 19.50 h
Rubrique: Regarder en ligne
Mots-clés: documentaire , science
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J’avais 10 ans quand j’ai vu cette image. Depuis, je n’ai plus regardé le monde tout à fait de la même façon. Ce beau garçon, de quelques années mon aîné, était très rapidement devenu mon héros. Il aurait fait un chef de bande formidable et pas une bande d’aucun quartier de la ville ne nous aurait résisté. Mais j’ai très vite été saisi d’effroi quand on m’a expliqué que chez lui c’était la vraie guerre et que son flingue était un vrai. « ...un vrai pour tuer ». Souvent, j’allais regarder cette image et je restais pensif en me demandant ce qu’était devenu mon copain. J’ai bien dû faire quelques cauchemars.

Mon Che

Peu de temps après, mes parents ont accueilli dans leur petite entreprise un nouvel employé, un réfugié hongrois. Zoltan était un gars brillant, gentil, jovial, trop cool quoi (mais on ne disait pas comme ça). Souvent on lui demandait de nous raconter... Je pouvais rester des heures à ne pas croire que de telles atrocités fussent possibles. Pour le gamin que j’étais, tout ce que j’entendais là, venait gonfler la force de cette image. Je me demande si je n’ai pas secrètement décidé que Zoltan c’était lui, le garçon au fusil... et que ce transfert m’a aidé à croire qu’il s’en était sorti vivant. Après quelques années Zoltan est parti plus loin, en Amérique ou il a eu une vie bien remplie, à ce que je sais.
Moi je n’ai plus trop pensé à cette image. Mais je ne l’avais pas oubliée. Quand j’ai vu arriver ce 50e anniversaire, j’ai consacré plusieurs heures à passer en revue toutes les images de Hongrie disponibles en ligne. Rien. Pourtant je n’avais aucun doute sur sa réalité, j’aurais pu la dessiner. Il y a quelques jours, je suis entré, presque par hasard, dans une exposition commémorative de la révolution hongroise et là je l’ai reconnue tout de suite. Il était temps, l’exposition se terminait le même jour !
Cette version de l’image, en couverture du magazine L’Illustré, du 15 novembre 1956, est colorisée. Je l’ai peut-être vue à l’époque, mais je me souviens surtout d’une autre version en noir et blanc contenue dans une petite brochure avec une couverture aux couleurs du drapeau hongrois. Si je vous raconte cette histoire, ce n’est pas pour m’épancher sur ma vie intime. C’est parce que cette image m’a éveillé au monde. C’est pour parler de la force des images.

Béat Brüsch, le 15 novembre 2006 à 11.20 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: guerre , photojournalisme
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Depuis que la photo est devenue numérique, des traitements autrefois difficiles, voire inimaginables, sont devenus monnaie courante. Tous les bidouillages, du plus médiocre au plus talentueux, du plus innocent au plus crapuleux, sont aujourd’hui à la portée du premier venu. On pourrait penser qu’à la lumière de ces évidences, la croyance angélique en une vérité photographique perde du terrain, que l’on se rende enfin compte que le réalisme en photo n’est et n’a jamais été qu’une illusion. Mais c’est tout le contraire qui se produit : pour beaucoup, la méfiance qui s’installe n’est due qu’à l’informatique. Revolver Ce n’est pas parce que des « objets » ayant une existence incontestable y sont représentés, que l’image exprime pour autant une réalité objective. Cela convient peut-être à des esprits simples, mais une démarche photographique digne de ce nom ne saurait se contenter de si peu. Bref, on n’y peut rien, le mythe du réel en photographie revient toujours.

C’est sans doute pour nourrir encore un peu ce mythe que des technologies d’authentification de photo voient le jour. La firme Nikon a mis au point un logiciel de ce type, pour certains appareils de sa gamme pro. Il permet de déceler toutes les modifications réalisées après la prise de vue. Le Dartmouth College Computer Science Department (Hanover, USA) développe des recherches liées à la sécurité des images (Digital Image Forensics). Elles ont permis la mise au point de différents algorithmes capables de détecter des retouches dans les photos numériques. Si l’on peut comprendre l’utilité de ces recherches pour les domaines forensiques, judiciaires ou scientifiques, on peut aussi se demander comment la presse pourrait les utiliser, comme cela est suggéré par les promoteurs de ces services sécuritaires. La presse a ses propres règles éthiques et n’a pas vocation à se substituer à des centres de documentation, auxquels on demande de reproduire fidèlement et scientifiquement des images d’objets ou des documents. Mais peut-être qu’une presse lisse et neutre en arrangerait certains ?

Pour apporter de l’eau à son moulin, le Dartmouth College édite une page qui recense de nombreux exemples de photos retouchées. Alors que l’on s’attendrait de la part de ces chercheurs à des exemples tirés de la sphère de l’expertise juridique, ce n’est pratiquement que la presse Dixiequi est mise au pilori. On y trouve un joyeux mélange d’exemples très divers : certains, du domaine des pipoles sont d’une gravité toute relative alors que d’autres sont vraiment malhonnêtes. D’autres encore ne devraient simplement pas figurer dans cette liste. Tel ce montage « métaphorique » (ci-contre) dont personne ne peut douter un seul instant que ce soit un montage ! Amalgamer ce travail d’illustration satyrique avec des montages délictueux témoigne d’un manque de discernement crasse... à moins que ce ne soit une tentative d’embrouiller le visiteur en mettant la pression sur une presse un peu trop critique ?

Cette tendance à mélanger les genres est très répandue. Pourtant il convient de distinguer clairement les photos de presse des photos dites illustratives. Rappelons que les photos illustratives n’ont pas de rapport direct avec l’actualité et ne prétendent pas présenter des faits. Elles évoluent de préférence dans le domaine des idées ou au pire, dans la décoration de pages jugées trop monotones ! Quand la presse les utilise, il n’y a en général pas d’équivoque. Et les retouches ou photomontages réalisés dans ces circonstances sont nettement perçus comme tels.

L’image au sens le plus large, est un des champs les plus stimulants pour l’esprit humain. C’est l’archétype de son développement culturel. Un des caractères qui nous différencie des animaux. Allons-nous, pour des susceptibilités sécuritaires, assister à la mise en coupe réglée de notre imaginaire ?

Béat Brüsch, le 11 novembre 2006 à 01.10 h
Rubrique: Les nouvelles images
Mots-clés: manipulation , photomontage , retouche
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Se mettre dos aux ruines du Worl Trade Center pour photographier le regard des gens. Saisir une atmosphère, loin du tumulte, entre Pakistan et Afghanistan. Faire parler les néons qui éclairent les nuits du monde. S’arrêter pour mesurer les stigmates de l’histoire sur les plages du débarquement. Se projeter dans un non lieux, pour nous faire voir notre propre apocalypse. Montrer la propre violence des murs. Et la douceur des bisous. Qui peut nous faire voir tout cela et bien plus encore ? Meunier Depuis 15 ans qu’il existe, on ne présente plus le collectif Tendance Floue : 12 regards différents, une vision commune. Qu’ils travaillent seuls ou en collectif, ils racontent notre temps. Pour eux, rien n’est banal, tout ce qu’on sait voir peut faire sens. Flore Ils sont : Pascal Aimar, Thierry Ardouin, Denis Bourges, Gilles Coulon, Olivier Culmann, Mat Jacob, Caty Jan, Philippe Lopparelli, Bertrand Meunier, Meyer, Flore-Aël Surun, Patrick Tourneboeuf. Installez-vous, réglez vos écrans et passez de grands moments en visitant toutes (oui, toutes !) les galeries de photos de leur site. Sommes-nous ? est le titre de leur expo durant le Mois de la Photo (de Paris, France - Aux Voûtes, 19 rue des Frigos). C’est également le titre de leur dernier livre, avec un texte de Jean Baudrillard. Co-édité par Naïve Livre et Jean di Sciullo Éditions.

Béat Brüsch, le 1er novembre 2006 à 01.05 h
Rubrique: Regarder en ligne
Mots-clés: photojournalisme
Commentaires: 0
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