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mot clé «photographe»

En 1986, peu après l’explosion d’un réacteur à la centrale nucléaire de Tchernobyl, 135’000 personnes ont été évacuées d’une zone de 30 km autour du réacteur. Huit ans plus tard, en 1994, le photographe canadien David McMilan se rend sur place et obtient l’autorisation de circuler et de photographier librement dans la zone. Il y retournera 10 fois.
La région était autrefois prospère et la qualité de vie élevée. Les villes, villages et campagnes ont été abandonnés prestement. Tous les objets étant contaminés, ils ont dû être laissés sur place. On ne peut qu’être saisi à la vue de ces lieux vidés de leurs habitants. On frémit à l’idée de leur brutale évacuation et à l’intensité de leur détresse. Sans entretien, toutes les constructions et autres traces humaines se dégradent peu à peu, alors que la végétation trouve une autonomie nouvelle. On ne voit pas les radiations, mais pour un peu, on entendrait ses oreilles siffler comme un compteur Geiger ! Tchernobyl 1 Tchernobyl 2
Les prises de vue sont réalisées avec une approche documentaire. Images très propres et fouillées. Cadrages sobres, larges, ne se laissant pas distraire par de vains détails. Lumières douces et jamais équivoques. Pas d’aberrations optiques : toutes les verticales sont rigoureusement verticales. Distance, respect, humilité, caractérisent ce travail à la démarche profondément humaniste.
Les photos ci-dessus sont tirées du site Pripyat and the 30k Zone de David McMilan. Il contient 6 galeries de photos qu’il faut visiter calmement.

Béat Brüsch, le 7 décembre 2006 à 12.15 h
Rubrique: Regarder en ligne
Mots-clés: documentaire , photographe
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Un instant de calme dans un monde de brutes.

Je viens de voir l’exposition Une ligne subtile consacrée au photographe japonais Shoji Ueda, au Musée de l’Elysée (Lien cassé). Ueda nous fait pénétrer dans un monde qui peut nous sembler étrange aujourd’hui. Sa sensibilité esthétique est marquée par une grande pureté formelle à laquelle nous sommes peu habitués. Mais cette apparente simplicité nous touche, car elle va vers l’essence des choses. Aucune froideur, comme on pourrait le craindre à cet énoncé, mais de la tendresse, de l’empathie, voir même une complicité quand l’approche se fait ludique. Ueda J’ai trouvé peu d’images de Ueda sur internet. Comme pour la plupart des grands photographes morts, il n’y a pas d’images dépassant le format du timbre-poste visibles en ligne. Les fondations se chargeant de leur postérité veillent au grain ! On peut consulter quelques petits diaporamas avec de toutes petites images sur le site du Musée Shoji Ueda. Il semble que peu de livres soient disponibles. Bref, il ne vous reste plus qu’à aller voire cette exposition...

Béat Brüsch, le 3 décembre 2006 à 17.55 h
Rubrique: Voir de ses yeux
Mots-clés: musée , photographe
Commentaires: 0

Ceux qui me lisent auront remarqué que je m’intéresse aux faux (ou à la « vérité ») en photographie, avec un accent particulier - actualité oblige - pour les photos de guerre. Lors de Visa pour l’image qui a eu lieu en septembre dernier à Perpignan, le photographe et plasticien Eric Baudelaire a exposé un intéressant diptyque montrant une scène de guerre « ordinaire » à Bagdad. Ces 2 images sont des faux, minutieusement construits.
Je voulais vous en parler au moment de l’exposition, mais les images disponibles sur internet ne dépassaient guère le format du timbre poste. Aujourd’hui, on peut enfin trouver une bonne reproduction de ces images sur le net - et c’est sur le site de l’auteur ! Merci pour ceux, qui comme moi, n’étaient pas à Perpignan. Cela ne vaut évidemment pas les tirages originaux de 2 m de haut, mais c’est mieux que rien. Baudelaire Exposer ce travail dans le cadre du grand raout annuel des photographes de presse n’avait évidemment rien d’innocent ! Petit vent de scandale chez quelques photographes (faussement ?) effarouchés. Rien de bien grave. Ce qui est bien plus important à mon avis, c’est de faire réfléchir et prendre conscience de ce qui fait la prétendue vérité des images. Et d’essayer de dépasser l’attitude simpliste - trop répandue encore dans le public et même chez certains photographes - consistant à croire que tout ce qui est dans une photo est et doit être vrai.

Il ne faut pas se méprendre sur le sens de ces 2 images. Le spectateur pressé pourrait n’y voir qu’une énième tentative d’imiter le réel. Mais à l’examen on voit bien que tout cela est trop parfait pour être vrai : les acteurs posent, les maisons n’ont pas plus d’étages que celles d’un décor de cinéma, il se passe trop de petites scènes en même temps, bref tout ressemble à une composition. Pour parfaire le tout, les esprits cultivés y trouveront moult références à des peintures et à des photos connues. Ce que nous donne à voir Eric Baudelaire relève de la théâtralité. Ce n’est pas la guerre qui est montrée ici, mais sa représentation. Toutes ces petites scènes qui se côtoient ne sont que les clichés de ce que nous avons l’habitude de consommer distraitement dans les magazines ou au journal télévisé. Pire, ce sont les images que nous attendons de voir d’une guerre d’aujourd’hui !

Les prises ont été réalisées dans les décors de la série télévisée américaine Over There, dont l’action se déroule dans le contexte de la guerre d’Irak. Ce lieu, ainsi que les pratiques qui en découlent, imprègne toute l’ambiance d’un air étrange, surréel et faux à la fois. Les téléfilms, autant que le cinéma, peinent à représenter la misère ou la saleté de manière crédible. Les metteurs en scène placent les figurants comme pour la parade. Les décorateurs déposent toujours les gravats comme des noisettes sur un gâteau. Les costumières ne peuvent s’empêcher de réaliser des drapés impeccables. Et les maquilleuses maculent les visages de souillures carnavalesques. Mais dans la vraie vie, la merde ça pue et les gens ne se maquillent pas avant de se faire éventrer. Peu nombreux sont les photojournalistes (et les rédactions !) qui arrivent à nous montrer cela. En singeant les méthodes du cinéma, Eric Baudelaire nous fait percevoir, par petits décryptages successifs comment on fabrique une représentation « acceptable » de la guerre. Nous voilà donc bien loin d’un simple faux. En quelque sorte, le faux d’un faux ! Ou une parfaite mise en abîme.

Eric Baudelaire est un photographe et plasticien français, né à Salt Lake City en 1973. Infos et points de vues dans 2 articles de presse : Libération et La Croix. Pour approfondir,plusieurs texte sont disponibles sur le site de l’artiste à la rubrique biblio.

Béat Brüsch, le 10 octobre 2006 à 01.15 h
Rubrique: Voir de ses yeux
Mots-clés: dispositif , guerre , photographe
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Coups de coeur à Arles

Quand Wang Qingsong regarde la Chine s’aligner sur les valeurs occidentales, au détriment de l’héritage culturel de son pays, il trouve une énergie créatrice qui lui fait imaginer les allégorie les plus débridées pour nous l’expliquer. Dans ses mises en scène méticuleuses, le réalisme fantasmé le dispute à la pédagogie.

Lorsqu’il dépeint les développements rapides qui touchent la Chine, il le fait en de grandes fresques sur lesquelles se déroule une histoire, en général assez éloquente. La satyre est partout présente, en particulier dans l’usage détourné de sujets de la peinture classique occidentale. Souvent, ce sont des marques de produits occidentaux qui, confrontés à des réalités chinoises, servent de révélateurs de la frivolité des nouveaux comportements des chinois.

La juxtaposition parfaitement maîtrisée de diverses iconographies, fait constamment ressortir les clivages entre l’orient et l’occident en de provocantes métaphores. Et si l’ensemble peut parfois nous sembler un peu kitsch, n’oublions pas que le kitsch « ...est surtout corollaire des goûts de son observateur. » (Wickipédia)

Il est intéressant de constater que ce type de mise en boîte des méfaits de la consommation n’est possible aujourd’hui qu’en Chine. Dans nos contrées, cela ne frappe plus guère, car nous avons eu le temps de nous habituer ! En Chine, le déferlement est extrêmement rapide. C’est un capitalisme aguerri et conquérant qui débarque en force, dans un pays aux ressources immenses et rendu réceptif par des années de privations. Pourtant, à bien y regarder, la démarche métaphorique de WQ ressemble fort à celles qu’on utilisait en occident dans les années 70 pour l’illustration de magazines. Mêmes maux, mêmes effets ?

Pour nous (qui ne sommes pas des dirigeants politiques ou économiques chinois !) l’oeuvre de Wang Quinsong est très ludique. Et c’est peut-être une des clés de son succès.

Thinker

Thinker
Est-ce qu’en Chine on sert les hamburgers sur des feuilles de chou ?


Requesting Buddha
Requesting Buddha
Le boudhisme a apporté bonheur et sagesse au peuple chinois pendant des milliers d’années. Rien d’étonnant à ce qu’on le retrouve aujourd’hui, dévoyé au profit de la consommation.


Can I Cooperate
Can I Cooperate with You ?
Voici un bel exemple d’interprétation de peinture traditionnelle à la lumière des préoccupations contemporaines.


Another battle
Another Battle
Dans cette série datant de 2001, WQ met en scène des batailles militaires. Dans chaque image, des marques commerciales très connues sont mises dans une situation triviale avec un humour cynique. Accessoirement, WQ figure sur chaque photo.


China mansion
China Mansion
China Mansion nous montre une résidence chinoise dans laquelle WQ invite les artistes occidentaux en de multiples citations et détournements.


Commercial War
Commercial War
Sur ce mur de 40 m de large, WQ a fabriqué et disposé 3000 affiches publicitaires pour toutes les grandes marques commerciales occidentales. Il compare cette guerre aux espaces publicitaires à un psoriasis qui dévore les villes chinoises. Les « Da zi bao », messages politiques d’antan, on été remplacés par la compétition pour le « business ».


Follow me
Follow me
Autre exemple dans la tradition du « Da zi bao »


Poisonous spider
Poisonous Spider
Dans cette installation WQ a réalisé une toile d’araignée de 16m de diamètre en fil de fer barbelé. Les objets pris dans la toile sont des produits de consommation.


Wang Quingsong vit et travaille en Chine ou il est né en 1966. Il est le lauréat du prix Dialogue de l’Humanité aux Rencontres d’Arles de cette année(liens cassés !).
Le site de WangQuingsong, d’où sont extraites les photos montrées ici et où vous pourrez en voir encore bien d’autres.

Béat Brüsch, le 31 juillet 2006 à 01.15 h
Rubrique: Regarder en ligne
Mots-clés: Arles , exposition , photographe
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Coups de coeur à Arles (?)

Je ne pensais pas parler de l’installation de Sophie Riestelhueber. Mais l’ami holbein en a parlé sur son blog et cela m’a fait reconsidérer un peu la chose... Lisez son article et nos échanges ici.

Béat Brüsch, le 23 juillet 2006 à 23.55 h
Rubrique: Regarder en ligne
Mots-clés: Arles , exposition , photographe
Commentaires: 0
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