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mot clé «guerre»

Sur la page d’accueil de ZoneZero - un des plus importants sites de photo d’Amérique latine, fondé et dirigé par Pedro Meyer - nous sommes invités à voir The Mexican Suitcase de Trisha Ziff (en anglais ou espagnol). La chose se présente comme le fac-similé d’un petit livre ancien, dont on peut tourner les pages (grâce à Flash). Le livre « original » n’existe évidemment pas, il ne s’agit que d’une mise en scène romantique. Pourquoi pas ? Du moment que les contenus n’en souffrent pas, cela nous change un peu des présentations convenues auxquelles nous sommes trop habitués.
Trisha Ziff semble avoir joué un rôle important dans la mise au jour des 3 valises. Elle nous raconte cette épopée et réhabilite quelque peu l’oeuvre de Gerda Taro, la compagne de Capa. Le rôle de David Seymour est bien sûr aussi mis en perspective. Mais surtout, nous pouvons avoir un aperçu de certaines photos sorties de ces valises, ainsi que de quelques planches de contact (on peut les agrandir). J’ignore s’il s’agit de la première vision officielle de ces photos, mais on nous donne un peu l’impression d’assister à une première.
Trisha Ziff, d’origine anglaise, naturalisée mexicaine, cumule plusieurs activités : cinéaste, commissaire indépendante, critique, historienne de la photo, etc.
Si vous aimez les histoires rocambolesques - mais alors très compliquées ! - tournez-vous vers ce texte du journaliste indépendant Michel Porcheron, qui semble avoir lu tout ce qui a paru sur l’histoire de ces valises, en particulier dans la presse et les sites hispanophones, très diserts sur la question. Je vous parlais de la découverte de ces valises dans ce billet du 31.01.08. Vous pouvez toujours y écouter une interview de Luc Debraine journaliste au Temps.

Béat Brüsch, le 12 mars 2008 à 23.15 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: guerre , photographe
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On a retrouvé 3 valises, remplies de quelques 3500 négatifs inédits attribués à Robert Capa, à son ami David Seymour et à sa compagne Gerda Taro. Le New York Times [1] et El Periodico de Catalunya ont publié, le 27 janvier, des articles relatant cette découverte ainsi que plusieurs clichés. Cet article de France 2 résume les faits (lien cassé).
On connait les soupçons de mise en scène de la fameuse photo du milicien tué pendant la guerre d’Espagne. Le négatif de cette photo ne figurerait pas dans le lot découvert. Mais les photos faites avant et après peuvent apporter un éclairage nouveau sur les circonstances de cette prise de vue. Ces négatifs, tous réalisés pendant la guerre d’Espagne, avaient été confiés à un général mexicain en 1940...
Luc Debraine, journaliste au Temps, a publié un article à ce sujet (30 janvier - archives payantes). Il nous raconte l’histoire rocambolesque de ces valises et les attentes qu’elles suscitent dans une interview :

RSR>La 1ère>Médialogues du 29.01.08. Durée 14’49.

© CC - Radio Suisse Romande

Notes:

[1] New York Times : site à accès fermé après quelques consultations (cookie). Consultation libre après inscription gratuite.

Béat Brüsch, le 31 janvier 2008 à 16.30 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: guerre , photographe
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Images vues à Visa 2007

Le destin d’Ahmad Masood était de devenir photographe de presse, mais il était loin de s’en douter. En 2001, l’Afghanistan est aux mains des taliban. L’Alliance du Nord, constituée de plusieurs groupes armés, s’est retirée dans le nord du pays par manque de moyens militaires. Mais tout change après l’attentat du 11 septembre, quand les États-Unis décident de soutenir massivement l’Alliance du Nord. Ahmad Masood a alors 21 ans et vit dans la vallée du Panchir, leur point de ravitaillement. Parlant parfaitement l’anglais (qu’il a appris seul) il propose ses services aux journalistes étrangers arrivant sur les lieux pour couvrir ce nouvel épisode guerrier. Il devient rapidement un « fixeur » efficace et apprécié, tant pour son entregent que pour sa connaissance de la culture afghane. Il mène les journalistes de Reuters dans tout le pays. Un jour, il doit se rendre à Mazar-i-Sharif pour un article et n’a pas de photographe sous la main. Il emporte un petit appareil numérique et réalise lui-même les photos. On découvre alors –et lui y compris !– son talent pour le photojournalisme. Il apprend le métier auprès des photographes de passage et devient rapidement le pilier de l’agence Reuters à Kaboul. Si vous saisissez son nom dans Google/image, vous verrez les images des actualités afghanes qu’il fournit à son agence. Mais ce n’est pas ces photos-là qu’il nous présentait à Visa. Masood poursuit une oeuvre parallèle dans laquelle il porte un regard attentionné, confiant, enjoué et presque optimiste à son pays. Il nous montre la beauté d’un peuple bien vivant, malgré les tensions qui le déchirent. À côté des dures réalités que nous voyons habituellement de cette contrée, ses images, presque apaisées, n’ont pas de prix. Et je me demande pourquoi cette vision en contrepoint ne fait pas plus souvent partie du travail des photographes de guerre ? Peut-être que ce n’est pas ce qu’attendent les médias de la part d’un photoreporter en zone de conflits... Dans le travail de Masood, on remarque beaucoup de photos de femmes en burka. (C’est le cas aussi chez d’autres photographes, vus à Perpignan, comme Véronique de Viguerie.) La beauté visuelle de ce vêtement, mêlée à l’horreur idéologique qu’il représente pour les occidentaux, ne lasse pas de fasciner les photographes. Ces drapés de princesse déployés sur un fond de brutalité produisent un contraste saisissant. Loin de m’en plaindre, je me réjouis au contraire, que la condition des femmes de ce pays puisse ainsi accéder (un peu) à une visibilité qu’elle n’obtiendrait peut-être pas autrement. Je n’ai pas retrouvé l’ensemble des photos de cette exposition sur un livre ou sur une galerie en ligne. Il nous faudra un peu de patience... Masood est encore jeune et son ascension est rapide. Trop rapide pour qu’un éditeur ne remarque son talent ? À suivre...

Béat Brüsch, le 9 octobre 2007 à 12.45 h
Rubrique: Voir de ses yeux
Mots-clés: guerre , photographe
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Tribulations d’un simple visiteur

Le festival Visa pour l’Image, qui rassemble chaque année le monde du photojournalisme, s’est tenu du 1er au 16 septembre à Perpignan. En plus de nombreux colloques et rencontres diverses, il y avait une trentaine d’expositions (ainsi qu’un festival off que je n’ai découvert, sur internet, qu’après mon retour !). Je m’y suis rendu en simple visiteur, et ceci pour la première fois. Je ne suis pas impliqué professionnellement dans le photojournalisme, mais je porte un intérêt soutenu à cette activité et à ses problématiques. En plus des aspects strictement photographiques, c’est tout autant la dimension citoyenne qui me touche. Et sur ce dernier aspect, j’ai été servi : on a rarement l’occasion de voir un tel concentré (quantitatif, géographique, temporel) des misères humaines et des bassesses, tout aussi humaines, qui les causent ! Je précise qu’il ne s’agit pas d’une critique négative et que cela ne doit en aucun cas vous retenir d’y aller l’année prochaine. Bien au contraire. La visite des expositions est assez éprouvante pour le moral. Il y a des images très dures et d’autres, quand la violence est visible au premier degré, vraiment insoutenables. Certaines me poursuivront toute ma vie. Mais (au risque de me répéter) il faut absolument continuer à réaliser, diffuser et regarder ces témoignages. Il y a une grande tradition de la photo de guerre en noir/blanc qui, dans certains cas, « adoucit » les brutalités, en particulier la couleur du sang, qui n’a pas le même impact lorsqu’il se présente dans des niveaux de gris plutôt qu’en couleurs. Aujourd’hui, de plus en plus de reporters de guerre adoptent la couleur pour des tas de raisons, ne serait-ce que pour se « mesurer » à la télévision. C’est « de bonne guerre », si j’ose dire ;-) Mais j’ai toujours beaucoup d’admiration pour les photographes qui présentent des reportages en noir/blanc : cela reste pour moi une façon (non exclusive) de porter un regard plus concentré sur l’essentiel, car débarassé de sensationnalisme ou de détails qui détournent l’attention.
Bien plus qu’ailleurs, les photos présentées à Perpignan, sont très dépendantes de leurs légendes. Certaines images, quelques fois sous des dehors paisibles, prennent une dimension vertigineuse après la lecture du texte d’accompagnement. (D’ailleurs, avez-vous déjà essayé de comprendre les images de la rubrique « No Comment » sur Euronews ? Cela peut se révéler un jeu intéressant à pratiquer en famille !) Tout en essayant de ne pas enfoncer des portes ouvertes sur les relations texte/image... je dois dire que j’ai été frappé par le fait qu’à Visa pour l’Image, on passe souvent plus de temps à lire des légendes qu’à voir les photos qui s’y rapportent. Cela a une conséquence : les textes sont tellement prenants qu’on n’a presque plus le loisir de s’attarder sur les propriétés intrinsèques des photos. Même si celles-ci ont de véritables qualités esthétiques, l’information brute qu’elles contribuent à véhiculer mobilise toute l’attention. Cela atténue quelque peu le souci qu’évoquent certains (dont moi-même) que l’esthétisation de photos de guerre ne se fasse au détriment de la détresse qui y est évoquée. Mais tout n’est pas tout noir. Il y a heureusement des lueurs d’espoir bienvenues dans ce parcours. Par exemple, pour illustrer ce billet, j’ai trouvé amusant de juxtaposer 2 photos vues à Perpignan : un sujet semblable traité par 2 photographes différents, l’afghan Ahmad Masood et le russe Sergey Maximishin. Je reviendrai prochainement à ces deux-là... Je vous passe les détails des prix qui ont été décernés à Perpignan et qui ont déjà été relatés par de nombreux sites et journaux. Vous en apprendrez plus sur le site officiel de Visa pour l’Image (lien cassé). Mais, ce dernier n’étant pas un modèle d’ergonomie et de navigation, je vous recommande plutôt catacult.net, qui est bien plus convivial et plus complet. (Si non, essayez les moteurs de recherche... vous y retrouverez à des dizaines d’exemplaires, les sites qui copient/collent à la virgule près, tous les communiqués du programme officiel ;-)

Béat Brüsch, le 19 septembre 2007 à 22.45 h
Rubrique: Voir de ses yeux
Mots-clés: guerre , photographe , photojournalisme
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Les grands classiques

Les images paisibles d’enfants heureux sont légion. Il en est malheureusement beaucoup d’autres, mettant en scène des enfants victimes des pires atrocités. Celle de Kim Phuc, la petite Vietnamienne de 9 ans, est probablement celle qui a le plus fortement et le plus durablement marqué les mémoires. Le 8 juin 1972, le photographe Nick Ut est sur la route menant au village de Tran Bang, tenu depuis 3 jours par les troupes du Nord-Vietnam et assiégé par les Sud-Vietnamiens. La plupart des habitants du village ont déjà fui les lieux et se tiennent sur la route, à quelques kilomètres, dans l’espoir de retourner chez eux après la fin des combats. Alors que tout indiquait qu’il n’y avait plus un Nord-Vietnamien dans le village, l’armée sud-vietnamienne décide néanmoins de bombarder le village au napalm. Sur la route, aux avant-postes, se tient une petite armada de soldats, de photographes, cameramen et autres journalistes, tous dans l’attente du « spectacle » annoncé... (Qui a vu le film Apocalypse Now peut effectivement parler de « spectacle », même si cette désignation est terriblement ambigüe - c’est d’ailleurs une des clés du film, mais je m’égare !)
Sitôt après l’attaque, ces témoins « privilégiés » voient s’échapper et courir vers eux des rescapés, pour la plupart grièvement brûlés. Kim Phuc, la petite fille, est nue car elle s’est débarrassée de ses vêtements en feu. Tous crient atrocement. Après avoir dépassé les témoins, ils s’arrêtent enfin. Certains tentent maladroitement de leur venir en aide. Nick Ut, parlant le vietnamien, est le seul journaliste à pouvoir communiquer avec eux. Avec son chauffeur, dans son minibus maintenant bondé, il transporte Kim et des membres de sa famille vers un hôpital – à une heure de route – et insistera personnellement auprès du personnel médical pour que la petite soit prise en charge. (En temps de guerre, les hôpitaux, débordés, privilégient les soins aux personnes qui ont le plus de chances de s’en sortir. Et Kim ne faisait sans doute pas partie de cette catégorie.) Dans cet article (en anglais), Nick Ut se souvient de cette journée...
Kim Phuc, après 14 mois de soins et 17 opérations chirurgicales, s’en est sorti. Elle vit maintenant au Canada avec ses 2 enfants. Elle a été nommée Ambassadrice de Bonne Volonté (Goodwill Ambassador) de l’UNESCO en 1997. Nick Ut n’avait jamais raconté qu’il avait sauvé cette petite fille. Ce n’est que 28 ans plus tard que Kim Phuc, devant la reine d’Angleterre, a rapporté qu’il lui avait sauvé la vie.
La photo ne paraitra que le 12 juin dans le New York Times. Sa parution ne fut pas retardée par des problèmes techniques (on disposait déjà de moyens de transmission, à l’époque). Cela peut nous paraître surréaliste aujourd’hui, mais de très vives discussions se sont engagées entre rédacteurs pour savoir si on avait le droit de publier la photo d’une personne nue ! Finalement, entrevoyant tout de même l’importance de cette photo, il fut décidé de la publier, non sans obtenir la garantie de ne pas en faire un agrandissement. Il paraîtrait même que l’on a flouté légèrement la région pubienne de la petite fille.
Cette image a eu un grand impact et a prétendument permis d’accélérer la fin de la guerre du Vietnam. Il faut relativiser son importance dans ce cadre, ne serait-ce que parce qu’elle arrive à un moment où la fin de la guerre est en vue. Mais sa très grande force iconique vient de sa propagation. Elle a été utilisée, récupérée et décontextualisée par d’innombrables mouvements idéologiques, politiques ou religieux. Et ceci, dans les projets éditoriaux les plus divers. (Dans ce registre, Le Cri d’Edward Munch, n’a qu’à bien se tenir !) Ronald N. Timberlake, est un vétéran de la guerre du Vietnam et s’insurge de certaines dérives dans un texte largement diffusé sur internet : The Myth Of The Girl In The Photo.
La photo en haut de ce billet représente le cadrage de sa parution dans le NY Times. Très forte, dramatique et bien centrée sur le sujet. Mais on peut trouver d’autres cadrages, ainsi que d’autres photos de la scène qui racontent autant d’autres histoires. Par exemple, si on élargit le cadre, on voit à droite un photographe. Il s’agit de David Burnett, qui un instant plus tard, a saisi cette image : D’autres images encore, font voir l’armada de journalistes dont je parlais plus haut et pourraient raconter l’histoire d’une petite fille qui serait victime de l’acharnement de la presse et de sa passivité face à ses souffrances. (C’est le statut des photographes de guerre qui est en question ici. N’ayant jamais entendu siffler une balle ailleurs qu’au cinéma, je me garderai bien de donner une quelconque leçon...) Gerhard Paul, nous parle de cela et de bien d’autres aspects de cette image dans un essai passionnant sur l’authenticité, l’icônisation et la surmédiatisation d’une image de la guerre. Dans son article (en allemand) vous trouverez également tout un appareil de références, ainsi que certaines images pour le moins étonnantes. Nick Ut (de son vrai nom Huynh Cong Ut) est né en 1951 au Vietnam. À 16 ans il entre à l’agence Associated Press. Son frère ainé, Huynh Thanh My, photographe chez AP aussi, vient d’être tué. Il réside et travaille aujourd’hui à Los Angeles, toujours pour Associated Press. Le Prix Pulitzer lui a été remis pour cette photo en 1973. Aujourd’hui, 35 ans plus tard, il est célébré pour la photo pipole d’une richissime bécasse délurée... Il faut bien vivre ! Je dis cela sans mépris pour le photographe, car je comprends bien qu’on ne puisse pratiquer la photo de guerre pendant toute une vie. Mais je ne peux m’empêcher de me demander... : le raccourci saisissant entre ces 2 photos, à 35 ans de distance, nous donnerait-il la mesure du changement de nos exigences en matière de photo de presse ? Je ne veux pas le croire...

Béat Brüsch, le 15 août 2007 à 18.30 h
Rubrique: Les grands classiques
Mots-clés: guerre , peoples , photographe , photojournalisme , éthique
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