Mots d'images

Oeuvres orphelines

Ces dernières années, on a beaucoup parlé des droits d’auteur sur la musique (téléchargements). Cela peut s’expliquer, en partie, par l’énormité des marchés concernés et leur concentration aux mains de quelques très grosses sociétés, puissantes et pas prêtes à céder leurs intérêts (les majors). Les droits sur les images représentent globalement d’assez grands intérêts aussi, mais ils sont très épars. Souvent ils sont gérés par les créateurs eux-mêmes (pas très doués en la matière) ou se répartissent en petites entités disparates ayant du mal à se faire entendre, ce qui les rend vulnérables. D’une part, les nouvelles technologies induisent de nouveaux usages qui ne tiennent pas grand compte du droit existant. D’autre part - et ce, depuis bien plus longtemps - des groupes d’intérêts, principalement éditoriaux, tentent toujours d’affaiblir le droit d’auteur. Quelques faits récents ajoutent des pièces à ce dossier et exigent même qu’on s’inquiète.


Petit compte rendu d’une décision de justice repris aussi par quelques sites francophones, dont celui-ci, d’où je tire la traduction suivante : « Google vient successivement de perdre deux procès en Allemagne pour son outil de recherche d’images en ligne. Le premier concerne le photographe allemand Michael Bernhard qui reprochait au moteur le fait que l’on retrouve une de ses photos sous copyright sur l’outil de Google. Thomas Horn, détenteur des droits de certains comics, faisait des reproches identiques au moteur américain. »

Bonne nouvelle serait-on tenté de dire, si l’on est un défenseur intégriste du droit d’auteur ! Mais ce serait aller un peu vite en besogne, car il est sûr que Google usera de toutes ses forces pour recourir contre cette décision, c’est son essence même qui est en jeu. Et il aura l’écrasante majorité des internautes avec lui. Tout cela n’a pas échappé à Marin Dacos - La Feuille - qui pose quelques bonnes questions et qui conclut par : « Et si la question n’était pas juridique ? »

Il s’agit ici du droit de citation,

qui est une sorte d’« exception permissive » à l’intérieur du droit d’auteur, prévue par les lois de la plupart des pays connaissant le droit d’auteur. Si tout le monde est à peu près d’accord sur la notion de citation textuelle, il n’en va pas de même pour les citations d’images. Comment citer des images ? Dans quel contexte peut-on citer des images ? Les citer en petit format ? Bien qu’imparfaite, l’idée parait séduisante et l’analogie avec la citation textuelle semble justement proportionnée, mais tous les pays ni tous les détenteurs de droits ne s’y résolvent. Les chercheurs du domaine de l’image réclament un droit de citation pour leurs publications scientifiques. Mais les journalistes faisant oeuvre de critique d’images, ne devraient-ils pas disposer de ces mêmes droits de citation ? Et les blogueurs qui parlent des images ? ;-)

Google, en tant que site d’indexation, s’est « arrangé » avec ce droit de citation, tant pour le texte que pour les images. Certes, le droit américain est plus permissif (fair use) et permet probablement les pratiques de Google. De fait, c’est donc le droit américain qui régit ces pratiques dans toutes les parties du monde où l’on reçoit Google ! [1] Et les internautes, vous, moi, en redemandent... preuve en soit, cet article qui (relatant la décision de justice dont je parle au début de mon billet) commence très fort en affirmant : « Encore un bel exemple du progrès frustré par le droit d’auteur. » Cette affirmation, un tantinet réductrice (ainsi que les commentaires qui suivent l’article), donne un ton qui est, qu’on le veuille ou non, très représentatif du courant dominant chez l’internaute Lambda. [2] La pratique de la citation est en voie de généralisation sur les blogs et sur tous les sites dits « non commerciaux » et cela, en parfaite connaissance de son caractère illégal. On peut être sûr que, sous diverses pressions et à cause de la difficulté des poursuites - trop de cas, pour des montants trop faibles - ce droit de citation va s’établir progressivement partout. De leur côté, les « institutionnels » ou les « commerçants » scrupuleux, pour qui il n’est pas possible de se mettre hors la loi, feront tout pour faire amender ce droit.

Voilà sommairement, pour le droit de citation des images. Mais ce qui advient dans ce contexte, presque marginal du droit d’auteur, n’est pour moi qu’un laboratoire de ce qui arrive au droit d’auteur des images dans son ensemble...

Diverses pratiques, observées massivement sur internet,

entrainent une disqualification progressive de ce droit d’auteur. Il n’échappe à personne que le « pompage » d’images y est généralisé. La mise en place des règles des Creative Commons n’est rien d’autre que la (tentative de) mise à niveau du droit. Elle a le grand mérite de prôner une séparation claire des utilisations commerciales et non commerciales et de rendre attentif à l’obligation de la mention de l’auteur. C’est déjà çà et on peut regretter que cette approche ne soit pas mieux comprise et utilisée, tant par les amateurs que par les professionnels.
• Les sites qui comme Youtube ou Flickr proposent des images ou des vidéos embedded, c’est-à-dire des contenus qu’on a le droit de relayer directement depuis son site aussi simplement qu’on le ferait avec la photo de son chat, contribuent (même si ce n’est pas leur but) à jeter de la confusion sur les notions de droit d’auteur. Certains utilisateurs ne saisissent pas complètement la différence entre l’embedding et l’appropriation pure et simple d’images « trouvées » sur le net.
• De nombreuses institutions publiques principalement anglo-saxones [3] ont déjà mis leurs collections de photos en ligne, souvent en libre accès (sous Commons). On ne peut évidemment que s’en réjouir. Mais bientôt, le public ne va plus comprendre pourquoi ces photos-là sont libres, alors que d’autres ne le sont pas et que d’autres encore le sont sous certaines conditions.
• Je ne reviendrai pas ici sur les droits liés à la musique (dont il a été largement traité ailleurs) si ce n’est pour relever qu’en la matière, le public est au moins d’accord sur le fait que la musique est le fruit d’un travail créatif qui n’est pas à la portée du premier venu et qui mérite d’être rétribué d’une manière ou d’une autre. Ce n’est plus la même chose pour la photographie, car, avec la formidable extension de la photo numérique on assiste à une banalisation extrême du geste photographique. Il est devenu tellement facile aujourd’hui d’obtenir une photo à peu près correcte et immédiatement exploitable, que beaucoup se demandent pourquoi on paierait encore quelqu’un pour le faire (ou l’avoir fait). On assiste à un grand paradoxe : d’un côté, la photo créative n’a jamais été aussi trendy (reconnaissance, prix, expositions, marché, galeries, etc), alors que dans les pratiques de tous les jours (utilitaires, pourrait-on dire) l’usage de la photo est devenu trivial. Il y a donc d’un côté, les « belles photos » que l’on respecte, et de l’autre, toutes les photos « normales » dont tout le monde peut disposer à sa guise. Bien évidemment, chacun fait valser les photos d’une catégorie à l’autre au gré de ses aspirations (arbitraires) ou de ses besoins momentanés.

Cette perception confusionnelle du statut des photos est relativement nouvelle. Elle est bien sûr très marquée sur internet, mais elle tend à s’étendre à d’autres sphères. L’affaiblissement des positions des détenteurs de droits qui en résulte n’a pas échappé à certains milieux ultralibéraux qui bataillent depuis toujours pour une dérèglementation du droit d’auteur à leur profit. Leur dernière grosse (grossière ?) attaque envers le droit d’auteur des images est arrivée des États-Unis vers le mois d’avril de cette année. Elle a fait l’objet de plusieurs alertes sur internet (en partie relatées sur ce blog). C’est l’affaire des oeuvres orphelines.

Une oeuvre orpheline

est une oeuvre protégée par le copyright, dont il est difficile, voire impossible de déterminer le détenteur des droits. Jusqu’à aujourd’hui, en conformité avec la Convention de Berne, toute oeuvre (...) est automatiquement protégée, du moment qu’elle existe (je simplifie). Ce principe rend l’usage d’oeuvres orphelines assez difficile, car il faut effectuer d’intenses recherches, pour au final, ne pas toujours trouver les ayants droit. Si l’image est déclarée orpheline, l’éditeur n’est pourtant pas à l’abri de surprises quand un ayant droit se déclare soudain. Le problème est peut-être bien réel, mais on perçoit immédiatement que la solution proposée poursuit des buts bien différents... Le projet de loi présenté au sénat américain propose de créer des bases de données d’images (payantes) dans lesquelles toutes les oeuvres protégées devront être inscrites pour être légalement protégées ! Je vous la redis pour que ce soit bien clair : Toutes les oeuvres non déclarées, quelle que soit leur provenance (le monde entier), pourront être utilisées sans copyright sur le sol américain ! Cela a créé une forte mobilisation de toutes les associations concernées aux États-Unis. Il semble qu’en Europe, on ne se sente que modérément touché... Pour beaucoup de photographes, le marché américain n’est pas une préoccupation. Mais ils changeront peut-être d’avis quand des éditeurs européens auront délocalisé leurs activités sur le sol américain... ou quand les grandes agences de pub feront travailler leur maison mère américaine avec des images « trouvées » en Europe !

Le Sénat américain ne s’occupe pas que des soubresauts de l’économie, le 26 septembre il a admis cette loi sans opposition ! Elle devrait bientôt être présentée à la Chambre des Représentants puis au Congrès. L’entrée en vigueur pour les oeuvres graphiques et photographiques est prévue pour le 1.1.2013. Le minimum serait certes de pétitionner - pétition ouverte au monde entier en ligne ici. Mais je pense qu’aujourd’hui, il est plus urgent et utile d’actionner des leviers politiques, en soulignant que cette loi, si elle est finalement adoptée, non seulement violerait les conventions internationales, mais affaiblirait considérablement le statut des créatifs du monde entier. Pour info : les 2 plus grandes banques d’images, Corbis et Getty, sont favorables à cette loi.

Si vous pensez que le phénomène des oeuvres orphelines et la tenue d’un registre des oeuvres à protéger est marginal, détrompez-vous. Olivier Ertzscheid, sur affordance.fr nous raconte combien Google a bataillé (et payé, finalement pas cher au regard des bénéfices attendus) pour pouvoir devenir à la fois le plus grand bibliothécaire et le plus grand libraire du monde ! Mais les livres, ce n’est qu’une étape. Le prochain objectif de Google, ce sont les films et la musique. Pensez-vous que les images (qui ne bougent même pas !) vont peser lourd dans cette bataille, si même le Congrès américain prépare le terrain à Google ?

Liens utiles :

Dont certains déjà cités plus haut

• Droit de citation
Pour un droit à la critique des images - ARHV - 24.09.2007
La publication scientifique en ligne face aux lacunes du droit français - ARHV - 22.08.2008

• Oeuvres orphelines
Dossier : Orphan Work Bill - bulb - 07.06.2008
Nous voulons vos photos - Edito de Photographie.com - 09.10.2008
Main basse sur les images orphelines - Bon article de Télérama que je viens de trouver et qui vous confirmera que je ne vous raconte pas des salades ;-)
A Million People Against the Orphan Works Bill - Pétition en ligne ouverte à tout le monde
Orphan Works Opposition Headquarters - Un des sites des opposants - La pétition qu’on y trouve ne convient pas aux extrazétazuniens. Par contre on peut y inscrire des Associations de tous pays !
Illustrators’ Partnership Orphan Works Blog - Autre site d’opposants - avec une lettre type pour artistes internationaux

• Documents droit d’auteur
Loi fédérale sur le droit d’auteur et les droits voisins - La révision partielle du droit d’auteur est entrée en vigueur le 01.07.2008
Page suisse de Creative Commons
Page française de Creative Commons
Page dédiée au droit d’auteur de Photoreporters - Swiss Press Photogaphers

Notes:

[1] Avec quelques exceptions douloureuses dans certains pays dictatoriaux.

[2] L’internaute Lambda est celui qui est habitué à recevoir tout gratuitement, sans s’être jamais posé de vraies questions sur les coûts réels des choses, fussent-elles immatérielles. S’il peut être occasionnellement producteur de contenus de valeur, il ne l’est pas professionnellement. Il est, en général, incapable de mesurer l’investissement intellectuel et matériel que requièrent certains des biens qu’il consomme. Il n’a entendu parler de droits d’auteur pour la première fois que récemment, à l’occasion d’une quelconque histoire de musiques téléchargées sur internet. Ce n’est pas un mauvais bougre, plutôt sympa, mais sûr de lui, il est pour le progrès, contre la guerre, contre le cancer, etc. Et il est très « nombreux »... puisque nous avons tous en nous un peu d’internaute Lambda.

[3] Liste non exhaustive ici.

Béat Brüsch, le 30 octobre 2008 à 18.22 h
Rubrique: Droit des images
Mots-clés: blogosphère , copyright , droit
21 commentaires
Les commentaires sont maintenant fermés.
    1

    Bonjour, je retrouve dans ton billet nombre de questions que je me pose moi-même depuis pas mal de temps. Cette question du droit de citation est à mes yeux un point très important, et pas seulement pour la recherche du côté de gens tels que André Gunthert (Lhivic/EHESS, France, je le rappelle pour tes lecteurs de passage), ses collègues et étudiants.

    Cette question n’est pas la principale raison de l’arrêt de mon blog, mais elle fait partie de celles qui m’amènent à me demander si je dois le reprendre. En supposant une réouverture de mon blog dédié à l’image et en reproduisant, même en petit, une ou plusieurs image(s) dont je ne détiens pas toujours les droits ou les autorisations de reproduction, et sur laquelle (lesquelles) je suis plutôt critique, je me tire pas une balle dans le pied. Ou plutôt, je laisse traîner sur ne net une sorte de bombe à retardement dont je ne maîtriserais pas le moment du déclenchement. Et tandis que je m’efforce de donner un peu plus de visibilité à mon blog (SEO, netlinking et j’en passe), je m’expose un peu plus à être épinglé par un détenteur de droits sur les images que je reproduis et commente.

    Bref, cela revient à prendre un risque, indéniablement, même si mon blog n’a aucun but lucratif. Un risque étrange. Un risque que je me sentirais obligé de prendre (à quoi ressemblerait un blog dédié à l’image sans image, alors que d’autres blogs ayant de tout autres objets ne se privent pas d’en mettre partout ?), tout en étant probablement plus lucide sur cette question que la moyenne des blogueurs quant au risque encouru.

    Il existe bien sûr de nombreuses façons de citer une image. La reproduire en petit, c’est tout de même la reproduire entièrement, donc ce n’est pas bon a priori. On peut aussi la recadrer, la déformer, changer les couleurs, grossir la trame, et bien d’autres paramètres. Cette dernière option m’a longtemps semblé être la plus sécurisante, car il y a une re-création de ma part, qui théoriquement primerait sur la création précédente. L’objectif n’est pas là de faire de l’art mais bien de se protéger un peu plus des attaques en justice.
    Mais je ne me sens pas complètement à l’abri derrière ce type de pratique, dont on perçoit vite, en outre, les limites. Je commente des images que je donne à voir comme modifiées, non conformes à l’original. Et mes lecteurs de me prendre pour un doux dingue au regard des libertés prises par d’autres, ailleurs.

    J’aurais encore bien d’autres choses à dire sur la question, mais je suis suffisamment perçu ici comme un commentateur bavard.

    Envoyé par Erwan, le 1er.11.2008 à 14.59 h
    En ligne ici
    2

    Erreur (supprimer ce qui est entre crochets) : "(...) je me tire [pas] une balle dans le pied". Hum bizarre Béat : sur ton blog, on peut prévisualiser son commentaire mais on ne peut pas le modifier avant publication (ou bien je n’ai pas trouvé comment !).

    Envoyé par Erwan, le 1er.11.2008 à 15.06 h
    En ligne ici
    3

    Hello Erwan. Heureux d’avoir de tes nouvelles !

    Je ne pense pas qu’il y ait une réelle solution technique pour citer des images. Il y a une telle différence de nature entre texte et image qu’il ne me parait pas envisageable de trouver une équivalence de traitement entre les deux. Je ne vois de solution que dans des règles s’inspirant du fair use.

    Pour corriger une erreur que tu vois dans la prévisualisation, il suffit de cliquer à nouveau sur Écrire un commentaire. Tu retrouveras le formulaire de saisie avec tout ton texte attendant d’être corrigé. Tu peux re-visualiser et faire la manoeuvre autant de fois que tu veux avant de l’envoyer. Mais après, c’est trop tard, Spip ne me permet pas de corriger un commentaire publié.

    Euh, si j’ai pu faire une remarque sur la longueur de tes commentaires, c’était dans le registre de l’humour ;-)

    Envoyé par Béat Brüsch, le 1er.11.2008 à 17.44 h
    En ligne ici
    4

    D’accord avec Béat, le problème de la citation ne peut en aucun cas être réglé de façon technique (ce qui vaut également pour le texte, car on voit bien l’absurdité de spécifier une limite chiffrée au-delà de laquelle l’extrait ne mériterait plus ce titre). C’est un problème de philosophie de l’intertextualité, où le principe de base doit être que la mobilisation d’une oeuvre suppose le renvoi à cette oeuvre, dans des conditions qui permettent au lecteur un accès éclairé. C’est au droit de formaliser ensuite ces conditions, non sous la forme d’une exception à la valorisation commerciale de l’oeuvre, mais comme faisant partie intégrante de la propriété intellectuelle, que la citation a pour vocation de faire vivre et reconnaître.

    Envoyé par Gunthert, le 2.11.2008 à 10.29 h
    En ligne ici
    5

    (Pardon pour mon esprit d’escalier...)
    Pour essayer de formuler les choses un peu plus clairement, nous vivons sous l’emprise de formulations juridiques découlant d’une analyse essentiellement économique de l’existence des oeuvres. Sous cet angle, la citation est présentée comme une exception à la vie économique de l’oeuvre. Mais si l’on prend un peu de recul historique, on s’aperçoit que le commerce n’est qu’un moment passager de la vie de l’oeuvre, dont le destin inéluctable est de rejoindre le patrimoine commun de l’humanité. Que ce soit sous la forme du brevet ou celle de la protection des droits patrimoniaux, la valorisation commerciale d’une oeuvre de l’esprit n’est jamais qu’une exception temporaire à son intégration dans le domaine public. De ce point de vue, on comprend bien que la citation, loin d’être une menace pour l’oeuvre dont il faut à tout prix contrecarrer ou limiter la propagation, est au contraire un moteur indispensable à la survie de l’oeuvre, dont elle atteste la vitalité.

    Bon, je ne sais pas si c’est vraiment mieux... ;-)

    Envoyé par Gunthert, le 2.11.2008 à 11.41 h
    6

    (Bonjour André) Je partage ce qui a été dit sur le caractère illusoire d’une recherche de solution technique au problème de la citation des images. Tout au plus ai-je tenté de déduire que certaines solutions paraissaient encore moins pertinentes que d’autres (au regard de la jurisprudence), aussi ai-je exploré d’autres voies. Ma démarche relevait moins d’une recherche de solution technique - au sens de la recherche d’une recette systématique - que d’une sorte de bricolage au coup par coup, pis-aller permettant de limiter le risque juridique. Peut-être, peut-être pas. Peut-être pas assez, peut-être trop pour espérer encore éviter de tomber dans le ridicule.

    Mais c’est un bricolage auquel j’avais fini par renoncer, sans toutefois que mes inquiétudes aient été levées. Je sais, je suis un éternel inquiet, mais là je pense qu’il y a de quoi, vraiment. En l’absence de règles juridiques plus permissives en matière de citation des images, comment faire ? Quelle attitude adopter pour au moins tenter de limiter les risques ? Ou bien faut-il abandonner cette démarche - décidément trop ridicule et perdue d’avance - et préconiser... la fronde ? J’avoue que sur tout cela mon courage est fluctuant.

    "(...) on comprend bien que la citation, loin d’être une menace pour l’oeuvre dont il faut à tout prix contrecarrer ou limiter la propagation, est au contraire un moteur indispensable à la survie de l’oeuvre, dont elle atteste la vitalité."

    La citation n’est sûrement pas une menace pour l’oeuvre et sa propagation, bien au contraire, mais ç’en est davantage une pour un créateur d’images ou encore un éditeur, s’il s’agit d’un professionnel qui tente de vivre selon les cas de la production ou de la diffusion. Invoquer l’atterrissage à terme de l’image dans le patrimoine commun pour revendiquer un droit à la citation de toute image ne revient-il pas peu ou prou à remettre en cause la production ou l’édition professionnelle d’images ? Ou bien je n’ai pas tout compris.

    Le noeud du problème ne réside-t-il pas aussi ici : quand est-ce qu’on cite, et quand est-ce qu’on commence à exploiter une image sans une juste contrepartie ?

    (merci pour tes précisions Béat sur la modification d’un commentaire. Si je peux me permettre, je pense que ces conseils auraient leur place à côté de tes "astuces typographiques"...!)

    Envoyé par Erwan, le 2.11.2008 à 20.04 h
    7

    Je trouve tout à fait original et pertinent, ce point de vue que défend André, qui voudrait que la citation ne soit pas une menace pour l’oeuvre et qu’au contraire elle la valorise. Mais (bon, je chipote) que dire alors pour les images que l’on critique sévèrement ? On ne les valorise pas ! Plus sérieusement, même si cela ne représente qu’une étape dans la vie d’une oeuvre, sa commercialisation en reste une d’importance, car elle en est très souvent le moteur (au diable l’idéalisme ;-) ou au moins, une manière pour un créatif de pouvoir continuer à le rester. On ne peut donc pas faire l’impasse sur cet aspect sans courir le risque d’un rejet sans appel de cette thèse de la part des auteurs.

    Mais nous parlons là de cas ou le fait de la citation serait clairement avéré, alors que comme le souligne Erwan, le noeud du problème est avant tout de pouvoir définir à partir de quand on est dans le « citatif »... ou pas. Je pense que si on savait faire cela on avancerait un peu. Mais là aussi, il faudrait croire aux vertus des solutions techniques.

    Je reste cependant persuadé que l’extension du droit de citation va progresser, cahin-caha, poussé par les pratiques de l’internet. Et aussi, de manière plus générale, par un grand mouvement (je n’ai pas dit complot) qui va vers une disqualification progressive des droits d’auteur d’images. (Pour les droits d’auteur sur d’autres oeuvres, je ne sais pas, mais je me ferais du souci aussi...)

    Envoyé par Béat Brüsch, le 3.11.2008 à 00.54 h
    En ligne ici
    8

    Hum, Béat, penses-tu vraiment que seules les mentions louangeuses d’une oeuvre méritent d’être considérées comme des citations ? Je te laisse la responsabilité de cette vision BHLienne ;-) Pour ma part, je pense qu’une oeuvre morte est une oeuvre qu’on a cessé de discuter.

    Envoyé par Gunthert, le 3.11.2008 à 05.51 h
    9

    @ André : Non, bien sûr, et ce n’est pas ce qe j’ai voulu dire ;-) Je voulais juste souligner le fait que, du point de vue de l’auteur, on pouvait ne pas considérer une critique négative comme valorisante pour l’oeuvre (c’est même une lapalissade).

    Mais il est vrai aussi que : « Médisez, médisez... il en restera toujours quelque chose... »

    Envoyé par Béat Brüsch, le 3.11.2008 à 10.39 h
    En ligne ici
    10

    Bonjour,

    je trouve votre débat passionnant (sans ironie aucune). Je fais moi-même partie de ces blogueurs qui reprennent un tas d’images via google sans jamais se soucier de la question des droits.
    Pour ma part, j’utilise les images dans un but totalement détourné : je leur fais dire autre chose que ce qu’elles "souhaitent dire", et c’est un exercice qui me plaît beaucoup. Quand l’oeuvre échappe à son créateur...

    Si je ne me soucie pas de la question des droits, ce n’est pas par mépris des photographes : c’est que j’ai un doute sérieux quant à cette notion de "propriété intellectuelle".

    Je suis moi-même "artiste", et la question des droits m’interpelle. Très honnêtement, je ne crois pas possible de résoudre le problème de la reconnaissance artistique par des critères économiques, même s’il doit bien manger, lui aussi. Mais lier les deux me semble aussi illusoire que de faire entrer une boule dans un trou carré.

    C’est un peu comme si on voulait légiférer sur les sentiments. Je crois qu’on se perd... mais c’est la seule réponse que notre société peut fournir car elle n’est devenue QU’ économie, que rationalité.

    Tout le contraire de l’art ! Et justement, celui-ci n’a jamais eu autant d’importance et de sens que dans une telle société, puisqu’il fournit un moyen de s’en extraire.

    C’est pourquoi je crois illusoire de résoudre cette question par la loi, par la marchandisation. La question de la rémunération des artistes reste entière...

    Envoyé par Jean-Pierre Martin, le 3.11.2008 à 12.04 h
    En ligne ici
    11

    Débat intéressant...
    Mais des phrases regrettables, su style "c’est facile de faire une photo, alors que la musique "est le fruit d’un travail créatif qui n’est pas à la portée du premier venu et qui mérite d’être rétribué d’une manière ou d’une autre"...
    Donc, dessiner comme Picasso, c’est facile : il suffit de promener un crayon sur une feuille de papier ! CQFD !!!

    Envoyé par polygraphe, le 3.11.2008 à 20.40 h
    12

    @ Polygraphe. Quand on cite une phrase et qu’on la coupe, il faut avoir l’honnêteté ou l’intelligence de le faire sans en altérer le sens. On pouvait citer, par exemple : « ...en la matière, le public est au moins d’accord sur le fait que la musique est le fruit d’un travail créatif qui n’est pas à la portée du premier venu et qui mérite d’être rétribué d’une manière ou d’une autre. » ... ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

    Envoyé par Béat Brüsch, le 3.11.2008 à 21.43 h
    En ligne ici
    13

    Indéniablement, un blogueur "citant" une image s’exposera d’autant moins à des poursuites qu’il lui portera des louanges, ou encore qu’il s’en servira de façon plus ou moins neutre, par exemple comme Monsieur Martin (peut-être). Ce faisant, il ira - théoriquement au moins - à la fois dans le sens de l’auteur de l’image, en tout cas de sa notoriété ou plus modestement de celle de son image. Ou encore, rien de spécial ne se passe, et c’est souvent ainsi je suppose. L’auteur de l’image sera d’autant plus enclin à passer l’éponge que le site n’a pas de visée commerciale, ou vraisemblablement pas au-delà du remboursement de l’hébergement !

    Une telle citation pourrait presque être perçue comme flatteuse dans l’économie des (photo)blogs, où la reprise d’une image comme d’un autre contenu est un signe qu’il a été reçu et - on peut le supposer - appréciée. Buzzez-moi, buzzez-moi donc !

    Mais qu’il vienne au blogueur, comme moi parfois, l’idée de critiquer négativement l’image (ou tel ou tel usage qui en est fait) tout en la "citant" aussi soigneusement que possible et en s’efforçant d’être constructif, et alors, même dans le cas d’un blog non-commercial, il s’exposera probablement bien davantage aux poursuites, car les propos tenus peuvent gêner et la poursuite est un évident moyen de pression potentiel sur le blogueur.

    Rappelons-nous encore que l’image fixe "citée" sur Internet a ceci de particulier qu’il s’agit assez souvent je crois d’une image en basses définition et résolution. Si cela n’empêche personne de la reprendre et de s’en servir à d’autres fins, commerciales ou non (il n’y a qu’à observer la circulation des fonds d’écran d’un site à un autre, mais nous parlons déjà là d’images de taille significative), l’usage qui peut en être fait est évidemment limité. Vue sous cet angle, la citation sur le web serait donc davantage permise car elle nuirait moins à son auteur. En tant que photographe amateur, je me demande si je ne vais pas permettre un usage inconditionnel de toutes mes images en basses définition, même à des fins commerciales, et rendre leur version "HD" inaccessible. Purement et simplement. Je suis presque certain que ça me ferait plus de bien que de mal à tous points de vue (égo ponctuellement surdimensionné et finances, tout aussi ponctuellement).

    La réflexion devient peut-être plus intéressante ici, bien qu’elle se borne au cas particulier du web : compte tenu de la nature particulière du web, bien plus sensible au texte qu’à l’image (où tout autre contenu multimédia), c’est tout autant voire bien davantage le texte associé à l’image "citée" qui est susceptible de poser un problème de notoriété et - dans le prolongement direct - de finances à l’auteur de l’image, à terme, si ledit texte critique ou juge négativement l’image et éventuellement son auteur. Mais n’est-ce pas prêter au blogueur un pouvoir de nuisance qu’il n’a peut-être qu’assez rarement aujourd’hui ?

    Bon je suppose beaucoup, je parle du web... et de ma petite personne... navré de cela. Mais quoi qu’il en soit, étonnant support de "citation" que celui du web, en tout cas s’agissant des contenus multimédias... Non ?

    Envoyé par Erwan, le 3.11.2008 à 23.07 h
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    En effet, quand nous parlons de citation - à fortiori dans un blog - nous ne pensons qu’à internet. Nous avons presque oublié qu’on peut citer ailleurs. Mais ailleurs, cela veut dire en version imprimée et pour cela il faut obtenir un document de bonne définition qui ne se trouve pas au détour du premier lien venu.

    Par ailleurs, je connais bien des photographes qui disent à peu près : « Je m’en fous, je ne mets que des basse def. » Ils semblent ignorer que cette dimension suffit largement à tous les webmasters désirant « s’offrir » des images et que cela fait finalement beaucoup de monde ;-)

    Envoyé par Béat Brüsch, le 4.11.2008 à 01.02 h
    En ligne ici
    15

    Que cherchons-nous, exactement, avec cette histoire de droits d’auteur ? L’argent, la reconnaissance de la valeur artistique, ou la flatterie ?

    Si nous sommes dans le premier cas, alors nous sommes des marchands. Nous revendons des produits. C’aurait pu être des machines à café, des aspirateurs, des minutes de télécommunications, des sextoys. Peu importe, c’est le business, et la qualité artistique n’a rien à faire ici.

    Si c’est le deuxième cas, alors qu’importe qu’on nous cite. Au contraire, on parle de nous, on nous fait connaître, en bien ou en mal, mais le fruit de notre création fait parler d’elle, elle a un impact. Et elle ne nous appartient plus, comme un enfant que l’on a mis au monde.

    Si c’est la flatterie, on veut bien être cité, mais uniquement en bien. Objectif bien illusoire.

    Alors que cherchons-nous en défendant les droits d’auteur ? N’y a-t-il pas parfois, une certaine idée de reconnaissance par l’argent ?
    L’argent comme témoin rationnel, comme moyen scientifique de chiffrer la qualité artistique.
    Il reste à prouver que c’est le cas, et certains s’y emploient. Généralement, plus un artiste gagne d’argent, plus il croit à cette hypothèse. Il suffit de voir la fronde des "artistes" contre les téléchargements illégaux (Souchon, Halliday, Aubert et toute la clique)
    Un artiste fauché, lui, est toujours "incompris", méconnu par erreur. ("D’autres ont réussi avec peu de voix mais beaucoup d’argent")

    En réalité, c’est bien illusoire, ça aussi. Si c’était scientifique et rationnel, pourquoi cela s’appellerait-il de l’art ?

    Et vous, créateurs, que cherchez-vous ?

    Cette question ne vous intéresse peut-être pas, et vous en avez bien le droit, ou peut-être pensez-vous que c’est hors sujet. Mais si quelqu’un a la patience de me répondre, je l’en remercie par avance.

    Envoyé par Jean-Pierre Martin, le 4.11.2008 à 15.49 h
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    16

    Ce billet n’a pas vocation à justifier ou non l’existence du droit d’auteur. (On pourrait consacrer plusieurs blogs entièrement à ce sujet.) Dans le postulat de départ de ce billet, il est clair que ce droit existe. De chercher à analyser comment ce droit est menacé et comment on peut le faire évoluer me parait déjà une tâche suffisamment ardue. Donc oui, bien qu’elle soit intéressante, votre question, Jean-Pierre Martin, me parait hors sujet ;-)

    Envoyé par Béat Brüsch, le 4.11.2008 à 16.34 h
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    17

    Je veux bien l’admettre. Pourtant, c’est peut-être parce que ces questions se posent que le droit à l’image se fait bousculer, et la question de l’évolution du droit d’auteur ne peut pas les contourner.

    Votre article m’a intéressé parce qu’il soulevait des points cruciaux avec le droit de citation, pas pour l’aspect purement juridique.

    Mais bon, c’est votre billet, hein !
    Salutations.

    Envoyé par Jean-Pierre Martin, le 5.11.2008 à 10.39 h
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    @Béat : "Mais ailleurs, cela veut dire en version imprimée et pour cela il faut obtenir un document de bonne définition qui ne se trouve pas au détour du premier lien venu."

    Pas sûr du tout à vrai dire. Cf. une copie d’un article que j’avais écrit sur mon blog sur l’utilisation d’images en basse déf pour l’impression.
    http://www.paperblog.fr/740385/mill...

    On en reparle si vous le souhaitez.

    Envoyé par Erwan, le 6.11.2008 à 22.56 h
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    Erwan. Je me suis rappelé avoir déjà lu cet article en suivant ton lien. En plus, j’ai là les 3 bouquins devant moi ! Je constate effectivement ces pixels de basse définition sur le tome 2. Depuis le temps que je vois ce genre de choses, je me suis fait une raison... mais il est vrai que c’est plus courant dans des journaux ou autres périodiques que sur des livres ! Je me dis aussi qu’il n’y a que des professionnels pinailleurs de notre genre qui voient cela ;-) Mais bien sûr, ce n’est pas une raison !

    Je constate ces pratiques d’images en résolution insuffisante depuis les débuts de la PAO, donc bien avant la généralisation d’internet et des APN. À mon avis, elles sont plus le résultat de l’incompétence que du vol d’images. (Le vol d’images est, d’un certain point de vue, aussi le résultat d’une incompétence ;-) Si l’accaparement d’images d’internet pour des usages imprimés n’est certes pas à exclure, il me semble tout de même que ce n’est pas très courant, justement à cause de ces problèmes de résolution. Même si ton enquête montre bien cette dérive, je ne crains pas son extension.

    Envoyé par Béat Brüsch, le 7.11.2008 à 00.57 h
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    Loin de moi l’idée de sous-entendre que l’éditeur a volé les images illustrant les trois tomes de Millénium. Je ne suis pas convaincu non plus qu’il s’agisse toujours d’incompétence, mais aussi peut-être de manque de temps, tout simplement, pour faire les choses telles qu’elles devraient être faites.
    Je voulais simplement dire, en rappelant cet exemple, que mon intention de publier certaines de mes images sous licence CC en basse définition se fait en toute connaissance de cause : il peut y avoir vol, c’est vrai, et pas seulement en vue d’une reprise sur le web. Mais ma pratique est, à ce jour, une pratique amateur et je ne pense pas que mes photos concurrencent sérieusement les photographes professionnels.

    Envoyé par Erwan, le 9.11.2008 à 20.04 h
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    Je suis auteur photographe et je vis de ce métier depuis trente ans.
    Je le peux car dans ce pays il existe cette fameuse loi sur le droit d’auteur.
    Il est aujourd’hui aussi facile de faire de la musique que de la photographie ou de la peinture.
    Cela ne préjuge pas de la qualité de ces eouvres ainsi produite ces critère étant souvent subjectif et dépendant de nombreux éléments dont personne ne contrôle les processus.
    Mais il existe des auteurs reconnus et d’autre plus anonyme.
    Je vous le certifie pour que les auteurs reconnus existe il y a besoin de tous les autres, sorte de vivier ou la création peut émerger.
    Un auteur anonyme peut du jour au lendemain devenir une star, il n’a pas tout d’un coup plus de talent, juste les hasard de la création sont responsable.

    Pour revenir sur les droits d’auteurs et votre question sur le droit de citation.
    Celui ci est inapplicable pour une reproduction d’une photographie.
    Car pour cela il faut l’accord de l’Auteur et ne reproduire par un recadrage ou un montage est une atteinte grave au droits moral.
    Le plus simple finalement est de demander l’autorisation à l’Auteur de reproduire cette photo sur votre blog, je suis persuadé qu’il vous la donnera.
    Ne pas le faire est une violation du droit.
    Vous savez quand vous vous promenez dans une ville parfois vous avez envie de rentrer dans un jardin privé ou dans une maison, c’est interdit et bien en demandant simplement l’autorisation au propriétaire il vous autorise et même parfois il vous permet de faire des photographies !
    En prime vous avez fait une belle rencontre.

    Je vous en conjure la loi sur le droit d’auteur est ce qui permet aujourd’hui de conserver des auteurs photographes qui sont une espéce en voie de disparition.
    Pierre

    Envoyé par Pierre, le 22.11.2008 à 08.07 h