Mots d'images


Encore un débat sur des images (trop ?) photoshopées ! Ça en devient lassant. Je ne pensais pas en parler, mais, constatant que le sujet est toujours brûlant (2 posts en moins de 24h sur The Online Photographer !), j’ai envie encore une fois d’y mettre mon grain de sel.

L’histoire ? Un photographe danois, Klavs Bo Christensen, s’est vu refuser ses travaux par le jury du concours annuel de sa fédération de photo de presse (Pressefotographforbundet) au prétexte qu’elles étaient trop manipulées et s’éloignaient ainsi de la vérité [1]. Après avoir eu des doutes, le jury a demandé au photographe de lui soumettre ses fichiers RAW, afin de les confronter aux fichiers que le photographe a publiés.

Ce dernier point à lui seul, me pose déjà de gros problèmes. Comment un jury peut-il exiger de se poser en censeur de la « vérité » pour juger du rendu d’une scène à laquelle il n’a pas assisté ? C’est un peu le maître qui demande son cahier de brouillon à l’élève turbulent ! Sauf, qu’un photographe de presse est à priori un grand garçon (ou une grande fille), qui sait parfaitement ce qu’il fait, ce qu’il a vu et ce qu’il cherche à nous montrer. Dans les affaires de retouche, il faut distinguer celles dans lesquelles sont impliqués des postproducteurs (rédactions, éditeurs, etc) de celles où c’est l’auteur lui-même qui procède à des modifications. Les retouches faites par l’auteur - même si cela n’exclut pas la maladresse - sont le prolongement du travail de l’auteur. Elles doivent jouir d’une considération différente de celle qu’on réserve aux bidouilleurs habituels des arrières-salles de rédaction, qui le font presque toujours pour des raisons indéfendables.

On reproche à Klavs Bo Christensen d’avoir quelque peu forcé la saturation des couleurs et les contrastes de ses images prises à Haïti après un gros ouragan. On oublie bien souvent que les représentations photographiques ressortissent de conventions. Beaucoup de celles-ci sont le fruit de limitations techniques : noir/blanc, bougé, profondeur de champ, contraste, utilisation du flash en plein jour, et j’en passe. Beaucoup de transformations sont obtenues après coup, dans le « secret » des labos ou par des logiciels de traitement d’images et sont bien acceptées. Ce qui est étonnant en photo, c’est qu’on finit toujours par incorporer ces conventions stylistiques dans les gages de vérité que l’on prête aux photos ! Pensiez-vous que le monde était en noir/blanc avant les années 40 ? Non ? Mais c’est pourtant ce que nous montrent les photos et les films provenant de ces temps reculés !

© Klavs Bo Christensen
© Klavs Bo Christensen

Passer la souris pour voir avant/après

© Klavs Bo Christensen
© Klavs Bo Christensen

Passer la souris pour voir avant/après

© Klavs Bo Christensen
© Klavs Bo Christensen

Passer la souris pour voir avant/après

Les photographes savent bien que les fichiers RAW (fichiers bruts [2]) ne sont pas d’une très grande fidélité, en termes de rendu de l’atmosphère d’une scène. C’est même un fait constitutif du procédé, car le plus souvent, on règle les RAW de manière à ce que leur rendu soit le plus plat possible (le moins « manipulé » possible !), afin d’avoir toute latitude d’y apporter ses propres réglages avec la meilleure efficacité. D’exagérer le rendu des couleurs d’une image est une démarche aussi naturelle, de nos jours, qu’elle l’était à l’époque où l’on choisissait une pellicule plutôt qu’une autre, en fonction des sujets, de ses goûts ou de tout autre critère subjectif. C’est juste un peu (beaucoup !) plus efficace aujourd’hui. Et tant pis si cela dérange les habitudes visuelles de quelques grincheux. Les exagérations d’aujourd’hui sont peut-être les conventions de demain...

Les photographes de presse ne sont pas les scanners froids de la vérité vraie et objective que certains voudraient qu’ils fussent ! Ils sont aussi quelques fois des auteurs. Et ce peut être une bonne manière pour eux de « faire la différence » en ces temps difficiles.

Quant à ce jury, il me fait penser à ces fades experts venus du Cap Nord pour nous empêcher de fabriquer des fromages au lait cru ou des cervelas en peau de zébu !

Notes:

[1] Ne lisant pas le danois, j’interprète ce que propose la traduction robotique de Google...

[2] J’ai déjà parlé de cette interprétation des fichiers RAW ici. J’ai analysé certaines différences de perception entre l’oeil et la machine photographique et noté quelques tentatives de les atténuer dans mon billet sur le contraste local.

Béat Brüsch, le 9 avril 2009 à 18.22 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: esthétique , manipulation , photojournalisme , éthique
16 commentaires
Les commentaires sont maintenant fermés.
    1

    Visiblement, ces images sont traitées en HDR et (ce qui est esthétiquement critiquable) trop contrastées. Ces problèmes n’existent qu’en couleur, le noir et blanc permet tous les excès, ceux-ci sont même très appréciés.

    Comme vous le dites, pourquoi critiquer l’intervention de l’auteur et accepter celle de tiers, comme le tireur de Cartier-Bresson qui faisait dire aux images ce que l’auteur avait voulu exprimer...

    Envoyé par JluK, le 10.04.2009 à 09.20 h
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    2

    Mais que ce soit du HDR ou pas, jugé beau ou pas beau, on s’en bat les couettes… À partir du moment où je réalise une image au format RAW et que j’ai des outils de post-traitement à ma disposition pour composer/recréer l’image que je souhaite, je sais déjà que cela ne va pas plaire à tel ou tel… !
    C’est MON interprétation (enfin, ici, celle du photographe) qui prime, pas celle d’un quelconque jury bien pensant. Déjà, en procédant a minima, je m’attire parfois des remarques amicales comme s’il y avait une seule manière de rendre la réalité…
    Non… ! Que chantait déjà Brassens… ?
    Merci Béat pour ce billet… !!

    Envoyé par jean-christophe, le 10.04.2009 à 13.39 h
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    3

    Ce qui peut poser problème à mon sens, sans que les choses soient toujours explicitement formulées, c’est moins le principe du post-traitement en lui-même qu’une recherche d’esthétisation à travers lui, à partir d’un sujet grave.

    En cherchant manifestement à "embellir" les conséquences d’une catastrophe, le photographe, qu’il se sente plutôt artiste ou plutôt photojournaliste, doit à mon sens se poser la question du message qu’il souhaite faire passer à travers ses images et de l’évidence d’un tel message. On retrouve un peu ici, sous une forme différente il est vrai, le genre de polémique qui a pu entourer le travail (en noir et blanc) d’un Sebastiao Salgado. Difficile pour moi d’avoir un avis très tranché en la matière ; mais je peux comprendre que la réception de telles images puisse être délicate...

    Envoyé par Erwan, le 11.04.2009 à 20.21 h
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    4

    À ce stade, on peut aussi se demander ce qui pourrait être considéré comme une esthétisation ou un embellissement des images. Ne confond-on pas souvent esthétisation et expressivité ? Embellissement et efficacité ? Tous les paramètres maitrisables d’une image peuvent aller (ou pas) dans ce sens. Tout l’art est de les maitriser et les appliquer sans se trahir.

    Certaines personnes parlent doucement, d’autres vocifèrent et d’autres encore le diront en vers. Mais toutes ont envie de se faire entendre. Il en va de même pour l’expression visuelle : chacun a sa manière de rendre compte de ce qu’il voit et veut nous faire voir.

    Pour en revenir au point fort de mon billet, et comme le relèvent certains commentateurs de The Online Photographer, ce jury avait parfaitement le droit de ne pas aimer l’expressivité de ces images et de les mettre en queue de classement. Au lieu de cela, il a préféré une attitude inquisitrice, laissant croire qu’il y a avait une vérité à trouver dans des fichiers bruts.

    Envoyé par Béat Brüsch, le 12.04.2009 à 02.06 h
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    5

    oui la technique est intéressante, mais je crois qu’à un coucours de photo de presse, de photojournalisme (Pressefotographforbundet), la moindre des chose serait de le signaler.

    D’ailleurs on devrait adopter pour les photos le même code que pour les disques : AAA, AAD, DDD etc... ce serait plus honnête.

    Envoyé par Zadig, le 13.04.2009 à 17.12 h
    6

    Je ne suis pas choqué par ce post-traitement.
    Ayant moi-même quelques problèmes visuels, je sature largement mes images, c’est l’une de mes marques de fabrique.
    La photographie est un art - qui n’est pas objectif du tout - et chacun fait donc ce qui lui plaît dans ce domaine.
    Le problème majeur vient.... du manque de culture d’une grande partie des juges de concours photo !

    Envoyé par Philippe, le 13.04.2009 à 20.48 h
    7

    Je suis un béotien, mais il me semble qu’aucun concours de photographie ne peut être un concours de vérité. La photo mythique du Che a été prise quand il était sous le choc d’un attentat contre un bateau d’explosifs (belges) par des anticastristes de Miami, qui a fait mourir bien des innocents. Aujourd’hui, cette photo triche sur cette attitude de deuil ! Elle n’est pas trichée pour autant.

    Envoyé par chabian, le 13.04.2009 à 21.52 h
    8

    Les photos "avec" la souris sont des photos de reportage, crédibles, les autres sont tellement kitch, à faire rougir Photoshop ! Imaginons que James Natchwey s’amuse à rajouter des cadavres et du sang partout....dans ses photos de guerre.....juste pour se bien classer dans le World Press, inimaginable.

    Envoyé par Ivan, le 13.04.2009 à 22.23 h
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    9

    "Les retouches faites par l’auteur - même si cela n’exclut pas la maladresse - sont le prolongement du travail de l’auteur. Elles doivent jouir d’une considération différente de celle qu’on réserve aux bidouilleurs habituels des arrières-salles de rédaction, qui le font presque toujours pour des raisons indéfendables."

    Le fait que l’auteur et le retoucheur soient une seule et même personne ou non ne me semble pas déterminant. Un auteur peut retoucher lui-même ses images pour de mauvaises raisons, tout aussi indéfendables (les mêmes d’ailleurs). Plus j’y réfléchis, et plus je trouve que c’est le cas ici. Le photojournaliste s’éloigne ici clairement de la réalité observée exactement comme le font nombre de créateurs d’images sous Flickr, pour "faire leur intéressant". L’image gagne sans doute en impact, mais aussi en ostensible étrangeté, en irréalité ajoutée. Ce qui me semble effectivement au mieux suspect (d’où la demande de RAW, qui peut être aussi vue comme une saine volonté de ne pas rejter le travail d’emblée) et a priori peu défendable dans le cadre d’un travail de photojournaliste. Mais ce n’est que mon humble avis ;-)

    Envoyé par Erwan, le 14.04.2009 à 19.06 h
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    10

    Quand je « n’exclus pas la maladresse », j’englobe toutes les maladresses, qu’elles soient techniques, esthétiques ou morales. Je ne vais tout de même pas excuser, par avance, toutes les potentielles turpitudes des photographes au prétexte qu’ils font un travail d’auteur ;-) Mais je reste persuadé que si quelqu’un est bien placé pour faire des retouches, c’est tout de même et avant tout, l’auteur des photographies.

    L’exemple des photos de Klavs Bo Christensen est bien choisi pour parler de cela, car ses photos sont « limite » et que notre subjectivité - qui peut les accepter ou pas - doit se confronter à des principes plus généraux qui sont difficiles à établir. Comment réagiraient ceux qui acceptent les photos en question ici si elles étaient encore plus « travaillées » ?

    Cette limite est difficile à saisir et, à mon sens, impossible à établir. C’est pourquoi je me tourne vers les conventions esthétiques qui sont par nature fluctuantes. Comme le remarque avec justesse JluK dans son commentaire (no1), « le noir et blanc permet tous les excès, ceux-ci sont même très appréciés ». Parce qu’il nous place d’emblée dans un monde de conventions, le noir/blanc rend les distances avec la vérité plus acceptables. La couleur paie sa proximité au réel, par une moindre tolérance du public à s’en écarter.

    Au rayon des conventions, il faut peut-être dire que notre photographe danois n’est de loin pas le premier à adopter des gammes de couleurs très saturées pour des photos en provenance de régions tropicales. Je ne prendrai que l’exemple de ces photos de Pep Bonet. Vous en trouverez bien d’autres, j’en suis certain.

    Envoyé par Béat Brüsch, le 14.04.2009 à 22.42 h
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    11

    Je me demande si cette limite est si difficile à cerner, même si ça ne s’annonce pas simple comme bonjour. A vrai dire, c’est un travail qui reste à faire, qui est urgent je crois, et dont pourraient s’emparer les médiologues, entre autres. On peut au moins essayer de dégrossir les choses de façon à ne pas accepter tout et n’importe quoi.

    Revenons à vos exemples. Ne nous trouvons-nous pas face à une sorte de nouveau pictorialisme, qui ne fait pas je pense très bon ménage avec la notion de journalisme ? Ne nous trouvons-nous pas face à un auteur qui cherche à donner une épaisseur certaine à son rôle d’informateur en intervenant sur le contenu du message, en le rendant superficiel et irréel (couleurs "eye candy") et difficile à appréhender (oh la belle catastrophe naturelle et humaine que voilà ?) ? Il est clair que nous allons là bien plus loin que le simple rehaut d’un fichier RAW un peu trop mou. La limite est encore très floue - et sans doute le restera-t-elle un moment - mais on peut néanmoins ressentir qu’elle a été franchie. Ressentir cela alors que la limite est encore fort peu nette, c’est pour moi le signe d’une vraie maladresse. Du genre de la balle qu’on se tire dans le pied...

    Je n’ai rien contre les couleurs saturées, ni (plus largement) contre la prise d’épaisseur du photojournaliste, bien au contraire, mais dans une certaine limite et avec une certaine pertinence. Certains travaux (journalistiques) bien connus de Martin Parr sur le kitsch de notre société de consommation me semblent pouvoir être cités.

    Ma limite principale en matière de photojournalisme, c’est de loin celle de la crédibilité (à distinguer de la vérité). Si ce n’est pas crédible, je doute, donc j’ai tendance soit à vérifier, soit à rejeter, par "principe de précaution". Cette notion de crédibilité est bien sûr subjective et fluctuante (comme le goût) ; c’est ici que, sur un plan sociologique, la confrontation avec un jury me semble particulièrement intéressante.

    Jluk et vous-même citez le cas particulier du noir et blanc. La photographie en noir et blanc bénéficie sans doute d’une aura, d’une histoire et d’une clémence particulières. Mais vous convoquez deux notions relativement distinctes : les conventions esthétiques d’une part et la moindre proximité avec le réel du n&b d’autre part. C’est une fois encore pour moi l’occasion de bien distinguer le goût d’un côté et la crédibilité de l’autre. Bien que les deux notions puissent être rattachées à ce que vous appelez les conventions esthétiques, les distinguer c’est commencer je crois le travail de dégrossissement de limites en matière de "post-traitement journalistique". J’accepte un peu plus volontiers que le photographe s’éloigne de mes goûts - surtout s’il y a quelque pertinence à le faire, comme chez Parr - que de la notion que je me fais de la crédibilité.

    Je sens que mon propos tend à se radicaliser au fil du débat, pourtant, mon avis n’est toujours pas aussi tranché qu’il pourrait le paraître. Je reste d’accord avec vous sur le fait qu’il y a une difficulté à traiter (même si je ne suis pas sûr qu’on puisse parler d’une impossibilité). Je suis d’accord lorsque vous indiquez que "Les exagérations d’aujourd’hui sont peut-être les conventions de demain...". Mais ce sera peut-être en raison d’une trop faible exigence de notre part à tous, sur un plan journalistique voire également sur un plan artistique.

    Envoyé par Erwan, le 15.04.2009 à 12.42 h
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    12

    Je veux bien accepter le critère de crédibilité que vous apportez au débat, mais en même temps je ne suis pas sûr que ce critère puisse remettre en cause les photos qui nous occupent ici. Je le retiens néanmoins, car il pourrait être déterminant dans d’autres cas. Ok, il s’agit de journalisme et, selon les canons en vigueur, il est difficile d’y admettre des tendances « pictorialistes ». Ne pas oublier toutefois qu’en journalisme, comme ailleurs, les photos sont présentées dans un contexte explicatif et qu’à ce titre la notion de leur crédibilité n’est pas l’argument principal.

    Je crois que sur le fond, nous avons des positions assez proches. Je ne l’avais pas encore dit, mais ces images ne me plaisent pas énormément non plus. Elles vont un peu plus loin que je me le serais autorisé. C’est pour cela que je les trouve intéressantes pour le débat... peut-être que je suis trop « photographiquement correct » et que d’autres pourraient avoir une vision différente de la mienne qui soit tout aussi respectable ?

    Par contre, en ce qui me concerne, je rejetterai toujours vigoureusement les jurys inquisiteurs, les législateurs, ou toutes autres volontés de réglementation en la matière. On peut réglementer la vitesse sur les routes parce qu’on peut la mesurer avec des radars pour en signaler les infractions. On peut mesurer les pesticides contenus dans notre alimentation et fixer des normes chiffrées. Mais on ne peut tout simplement pas fixer de limites claires (quantifier quoi ?) pour des notions aussi subjectives que celles qui nous occupent ici. L’éthique journalistique dont se rengorge la profession n’est pas exempte de dérapages. En photojournalisme le propos se complique singulièrement du fait de l’utilisation d’un moyen mécanique sensé nous apporter une vérité intangible.

    Je suis peut-être trop libéral (au sens premier de ce mot) ou trop respectueux de la créativité des auteurs. Pour autant, je ne crois pas non plus en la bonté infinie de l’homme ;-) J’imagine que dans un monde parfait, c’est toujours au journaliste de construire sa renommée, de mériter la confiance de ses lecteurs au fur et à mesure de ses contributions. Et c’est grosso modo ce qui se passe déjà. Les tentations de dérapage sont peut-être plus fortes à cause de pressions diverses et surtout des possibilités techniques, mais de l’autre côté une suspicion généralisée est d’autant plus vive.

    Envoyé par Béat Brüsch, le 15.04.2009 à 22.59 h
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    13

    (Pardon d’emblée pour ce nouveau commentaire kilométrique.) Nous ferions un pas important en considérant à peu de choses près le photojournaliste numérique comme un journaliste comme les autres. Il dispose aujourd’hui, avec les facilités et enrichissements du post-traitement, d’une palette expressive élargie. A l’instar de certains "journalistes de mots" (à l’oral ou à l’écrit), il peut livrer des reportages très personnels, fruit d’un long travail réalisé a posteriori et à froid. Ses images peuvent être plus ou moins artistiques, comme un journaliste de mots a parfois la possibilité de verser dans le littéraire.

    Mais dans le journalisme de mots, je constate que souvent la licence littéraire est l’apanage de ceux qui ont fait leurs preuves ; de ceux à qui "on" (la profession, les lecteurs) fait plus ou moins confiance. Je pense en premier lieu aux éditorialistes.

    D’une certaine manière, ce Danois (débutant ?) se prend déjà pour un éditorialiste : il nous demande de lui faire confiance tandis qu’il prend la liberté expressive de s’éloigner fortement du factuel. En outre, cette liberté expressive m’apparait en totale contradiction avec le minimum d’humanisme et de respect que l’on peut espérer d’un journaliste.

    Quelle crédibilité donner à qui parait s’amuser aux mépris des us et coutumes de la profession, des lecteurs, et des victimes d’une catastrophe ? Je trouve donc pour ma part que le critère de crédibilité est assez opératoire s’agissant de ces images-là. Je peux difficilement admettre qu’au nom de l’entrée dans l’ère de la photographie numérique le premier candidat journaliste venu puisse tout remettre en cause.

    Quant au jury inquisiteur, je comprends votre position, mais si vous étiez un professionnel du journalisme (car ce jury est à ne surtout pas confondre avec le jury de l’école des Beaux-Arts) et qu’un collègue vous affirmait quelque chose de peu crédible, ne lui demanderiez vous rien de plus ? Des preuves ? Des sources ? Le photojournaliste récolte ce qu’il a semé : son travail n’inspire pas confiance, alors que le sujet n’est pourtant pas hyper-touchy. Pour un journaliste, c’est quand même vraiment problématique. Et si la précision de la limite à ne pas dépasser reste aux abonnés absents, cette précision est-elle toujours indispensable pour se faire sa petite idée ? Je pense qu’on attend d’un photojournaliste qu’il restitue par ses réglages à peu près ce qu’il a vu ; je me sens prêt à lui laisser une généreuse marge interprétative, sur cela comme sur d’autres questions ayant trait à son métier, mais tout de même pas à ce point-là.

    Le photojournalisme a ses codes propres et le parallèle avec le journalisme verbal ne vaut probablement pas sur toute la ligne. Mais tendre à laisser l’art l’emporter sur le journalisme (même si c’est, je l’admets, chose assez courante), c’est une tendance que j’ai du mal à cautionner, surtout de la part d’un néophyte (statut qui reste à confirmer) ! Bref, une part de la question est sans doute : n’a-t-on pas tendance à considérer un peu plus que de raison le photojournalisme comme un journalisme à part ?

    Ma conclusion vous semblera sûrement affreusement classique. Une autre façon de "faire la différence en ces temps difficiles" serait de passer plus de temps sur le terrain à faire des images inédites, fortes (déjà par la composition, le cadrage, le contact avec les victimes, la proximité du sujet comme conseillait l’autre, à tort ou à raison...), informatives, et moins de temps devant Photoshop, non ? On ne s’impose pas en tant que photojournaliste par la maîtrise de certains de ces réglages qu’on peut apprendre dans chaque numéro de "Réponses Photo" ou presque. Il faut surtout cultiver, développer son regard. Et prendre beaucoup d’images. C’est à peu près le type de conseils que j’entends de tous les photojournalistes dont je lis des interviews.

    (Rien à voir : étrange comportement que celui de l’outil de validation des commentaires ; je dois ressaisir systématiquement mes caractères accentués avant de poster définitivement...)

    Envoyé par Erwan, le 16.04.2009 à 12.11 h
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    14

    Je pense qu’on ne peut conclure un tel débat, surtout si, comme je l’évoquais hier, nous avons des vues assez proches et que nous nous accrochons sur des détails qui relèvent de convictions ou d’appréciations personnelles. Cela fait le sel des débats, mais aussi leurs limites. Cela finit par tourner en rond, car nous n’arrêtons pas de redire les mêmes choses avec des mots différents. Pour ma part, je m’arrêterai ici, car j’ai d’autres chats à fouetter. Mais je laisse les commentaires ouverts et ne manquerai pas d’y jeter un regard intéressé ou d’y intervenir s’il y a vraiment du nouveau ;-)

    (Le problème technique (codage) que vous évoquez fait partie des plus ennuyeux qu’on puisse trouver dans le fonctionnement des sites internet, car un grand nombre de paramètres demeurent hors d’atteinte pour le webmaster. Pour essayer tout de même, quels sont vos OS et browser ?)

    Envoyé par Béat Brüsch, le 16.04.2009 à 18.39 h
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    Bien d’accord, oui. Non seulement je suis long mais je radote ! (Win XP et FF3.0.8)

    Envoyé par Erwan, le 17.04.2009 à 09.30 h
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    16

    Je n’ai pas encore lu tout les commentaires donc ma réponse n’est pas dans le fil "logique" des commentaires.
    Je rejoins les propos de l’auteur de l’article.
    Pour moi faire des RAW, c’est déjà savoir que l’on va passer au labo numérique. La qualité de la prise de vue et le sujet photographié doit toujours rester l’objectif initial.
    Le reste pour moi est de l’ordre du détail puisque c’est l’auteur de la photographie qui met sa patte.
    Pourquoi se priver des outils moderne.
    J’adhère moins à l’infographie poussée (ajout d’éléments) et au photoshopo-montage car on sort de l’esprit de la photo pour fabriquer autre chose et ce n’est pas de le débat de départ.
    Donc aux juges d’évoluer pas aux photographes (et artistes) de reculer.

    Envoyé par richard - ccwh, le 17.04.2009 à 11.23 h
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