Mots d'images


Quand j’entends parler de problèmes relevant de l’éthique en photographie, je suis toujours surpris de constater à quel point on tend à vouloir généraliser les mêmes exigences morales à l’égard de tous les types de photos. « LA photo c’est ci... LA photo c’est pas ça... » Mais il y a 1000 façons de faire et d’utiliser des photos !

Régulièrement, des cas de retouches de photos spectaculaires défraient la chronique. Ils ont en commun le fait de survenir dans la presse et d’être abondamment dénoncés par les blogs et par la presse concurrente, trop ravie de paraître momentanément plus vertueuse que « l’autre ». Le public s’émeut, puis oublie un peu ou se résigne. D’un côté, il est bien au courant des nouvelles possibilités apportées par le numérique, et de l’autre, cela ne le conduit pas forcément à revoir ses croyances liées à des images. Au passage, il est amusant de constater que les plus vives critiques de ces pratiques de retouche émanent des décrypteurs d’images patentés (moi y compris) et que ce sont les mêmes qui nous disent, par ailleurs, que les images ne représentent pas la réalité ! Alors, pourquoi tant d’acharnement à dénoncer les mensonges de ces images menteuses ? Bien sûr, je simplifie à gros traits et je joue à l’idiot du village... Alors, oui bon c’est vrai, il est toujours nécessaire de décrypter les dérapages, de les mettre en perspective, d’argumenter et d’évoquer une éthique des images. Mais il n’empêche... même si on peut les expliquer par de nombreuses raisons (historiques, mécaniques, psychologiques, philosophiques, etc.), ces questions n’ont pas fini de troubler tout le monde, spécialistes ou non.

La photo de presse est toujours au centre de ces préoccupations. Elle cristallise toutes les attentes et partant, toutes les critiques. Alors que de lourdes menaces de discrédit planent sur la presse, il me parait nécessaire de prôner une attitude sévère envers toutes les altérations possibles de ces images-là et des informations qu’elles véhiculent. Nous le devons, car il n’est pas imaginable de pouvoir réglementer ces pratiques avec une quelconque liste de recommandations. Pour éviter tout dérapage, il faut donc appliquer une sorte de « principe de précaution ». (Mais il est déjà difficile de définir un contenu pour ce principe simple, ce qui montre bien l’impossibilité d’une réglementation !). On inclura à cette catégorie de photos « intouchables », les photos à usages documentaires, celles qui doivent (devraient) attester des informations visuelles, bref, toutes celles chargées d’une grande attente de crédibilité.

Or il y a toutes les autres photos ! La presse n’est pas la seule à en montrer. Il se produit bien plus de photos, partout, tous les jours, qui ressortent à d’autres usages. La sévérité que nous appliquons aux photos de presse et d’information ne doit pas forcément s’appliquer à toutes les photos du monde ! J’ai parfois l’impression que dans le public et chez certains photographes, on juge toutes les photos à l’aune de celles de presse. Cela ressemble même à un déni de la nature des autres pratiques de l’image. Les photos ressortant du domaine artistique, ou plus simplement de l’expression personnelle, des métiers de la communication (pub), de la satire et de bien d’autres encore, n’ont que faire des usages et des contraintes de la photo de presse. On me rétorquera que toute photo, quelle que soit sa provenance peut un jour atterrir dans la presse. Ce problème, bien réel, est toutefois de la responsabilité de la presse. C’est à elle de s’assurer de la provenance de ses documents, de les utiliser à bon escient et de les mettre en perspective. Je répète pour que cela soit bien clair :-) C’est à elle (la presse) de s’assurer de la provenance de ses documents, de les utiliser à bon escient et de les mettre en perspective.

Il faut aussi comprendre que ce qui sort d’un appareil photo, qu’il soit argentique ou numérique, ne produit pas automatiquement de la « réalité » directement exploitable en tant que telle. L’aplatissement en 2D fourni par l’appareil de photo livre un document que notre ensemble oeil/cerveau doit analyser et « reconstruire », selon ses conventions, pour produire une information utilisable (une image, quoi ;-) Par exemple, dans son environnement habituel notre oeil/cerveau corrige automatiquement certaines aberrations optiques. Il redresse les lignes de fuite des perspectives verticales, il atténue des dominantes de couleur de la lumière ambiante, il distingue les formes humaines bien mieux que les autres, il a une notion immédiate de la distance des objets (vue stéréoscopique), etc. Un appareil photo est (actuellement !) incapable de tout cela. Il livre un document brut, aplati, qui ne propose pas toujours ce qu’un oeil normalement exercé peut « comprendre ». Souvent, notre oeil ne reconnait les objets que parce qu’il les a déjà vus « en vrai » et non grâce au talent du photographe ! Le vrai boulot du photographe, comme de tout producteur d’images, est de faire en sorte que cette représentation en 2D corresponde le mieux possible à ce qu’il faut voir.

Il n’y a pas que la prise de vue qui fait l’image. Il y a un « avant » et un « après ». Dans l’idéal, la production d’une image photographique se passe en trois temps : projet, prise de vue, postproduction.
• Le projet est l’étape la moins visible. Pourtant, elle éclairerait bien le sens des images si elle parvenait jusqu’au spectateur. Étape souvent éludée par les inconscients, elle me semble pourtant déterminante. C’est elle qui fixe un cadre à la suite du processus et donne des clés pour l’interprétation. Mais point n’est besoin de faire absolument compliqué : même l’attente d’un « instant décisif » est un projet !
• Je ne m’étendrai pas, ici, sur l’étape de la prise de vue qui semble être connue de tout le monde, si ce n’est pour rappeler qu’il y a un monde entre une image « volée » dans la rue et une prise de vue sophistiquée sous les flashes d’un grand studio.
• J’appelle « postproduction », toutes les opérations - possibles, mais pas obligatoires - survenant après la prise de vue et visant à rendre une image visible. Le terme, bien qu’un peu jargonnant, a le mérite d’être global et peu connoté.

(Je me méfie des mots : ici, le mot qui tue est « manipulation ». En matière de photo, il est toujours utilisé dans sa pire acception ! Si on parle de manipulation quand, par exemple, on esthétise une image, il faut alors admettre aussi que nous manipulons notre monde tous les matins, lorsque nous choisissons la couleur de notre cravate, de notre t-shirt ou de notre rouge à lèvres. Et de se contenter de prendre le t-shirt du dessus de la pile est un choix aussi !)

Ceux qui m’ont suivi jusqu’ici s’en doutent : j’attache beaucoup d’importance à la postproduction. Mais on ne peut en parler sans revenir à la notion de projet. Si cette étape va sans dire pour une démarche artistique, pour une enquête ou pour un témoignage social, il faut la voir aussi comme essentielle dans tout travail photographique un tant soit peu créatif. C’est là qu’on va décider du cadre de ce travail, de ses buts et de ses objectifs, de cerner le public auquel on va s’adresser, du média de diffusion et - surtout si c’est une commande - du message qu’il faut transmettre (certains sont payés pour cela !). Nous voilà tout à coup bien sérieux et compliqués pour une simple photo ;-) De fait, j’essaie simplement d’attirer l’attention sur l’importance de déterminer dans quel contexte on évolue. Cela permet d’adapter son comportement éthique à ce contexte.

Une image est, de façon consciente ou non, une construction intellectuelle. C’est aujourd’hui devant un écran que beaucoup d’images sont finalisées. C’est là qu’on les façonne pour qu’elles deviennent de véritables images, avec leur statut d’image, leurs vérités et leurs mensonges, leur puissance d’évocation. Mais aussi avec toutes les ambiguïtés, voulues ou non, qui font que jamais on ne pourra être sûr de toutes les interprétations qui en seront faites. Les outils sont incroyablement plus puissants qu’ils ne l’étaient pour l’argentique. Les compétences - techniques, éthiques - pour les utiliser à bon escient doivent être à la mesure de cette nouvelle donne : très élevées. Il s’agit de mettre une image en conformité avec son projet. Certains prétendront qu’ainsi on tord la réalité. Mais cette « réalité » a été tordue lors de la prise de vue, au moment de la mise en boite en 2 dimensions. La postproduction peut contribuer à la détordre. Souvent, une retouche plus ou moins sévère, tend (ou devrait tendre) à rendre l’image plus lisible, à lui donner du sens. À l’instar du roman, une dose de fiction peut révéler bien plus de réalités qu’un compte rendu strictement documentaire qui est quelques fois difficile à déchiffrer.

Ce qui complique singulièrement le débat, c’est qu’aujourd’hui bon nombre d’effets sur l’image peuvent survenir aussi bien au moment de la prise de vue qu’à la postproduction. Cette vérité est difficilement admise par des intégristes de la photo traditionnelle, mais elle trouble aussi la perception des enjeux par le public. Aujourd’hui, je peux réaliser un portrait en utilisant des lumières douces et diffuses pour atténuer les rides d’un visage, cela est bien admis. Si j’obtiens le même résultat, en toute délicatesse, mais en opérant sur un logiciel et en le faisant savoir, cela passe beaucoup moins bien. Non pas que ce soit mal réalisé, mais le procédé attire la méfiance. Une des raisons tient au fait que nous avons tous été les témoins d’exagérations. Bien des opérateurs n’ont pas le sens de la mesure. Au-delà de l’éthique, c’est aussi une question de culture visuelle.

Comment adapter son comportement éthique à des contextes, par définition changeants ? L’éthique n’est pas un corpus rigide. Ici, elle se construit sur le terrain. Les nombreuses et nouvelles possibilités d’interventions sur les images doivent, en permanence, se soumettre à une attitude morale exigeante. Les défis sont nouveaux, car à l’époque argentique, les sollicitations que nous connaissons n’existaient (pratiquement) pas. Il me semble difficile de « textualiser » cette attitude. Peut-être que des exemples seront plus parlants... Il m’est arrivé d’ajouter des nuages dans un ciel trop serein afin de donner un peu de force à une scène qui n’avait pas l’épaisseur voulue. Mais les pixels du vrai sujet - qui n’était pas le ciel - n’ont pas été touchés.

Passer la souris sur l’image

De même, je ne m’interdis pas d’« effacer » des touristes qui se trouvent au mauvais endroit, alors que mon propos (mon projet) est de faire du paysage. Dans ce cadre, j’effacerai tout aussi facilement les « objets » qui ne sont pas constitutifs ou permanents de la scène : grues, échafaudages, véhicules, etc. Mais en même temps, je ne toucherai pas aux « objets » pérennes, même s’ils me gênent : lignes à haute tension, constructions disgracieuses, etc. Sur un portrait, je pourrai effacer un bouton (qui s’y trouve passagèrement), alors que je rechignerai à supprimer une ride. Mais si j’adoucis la lumière, pour atténuer ces mêmes rides... suis-je complaisant ou suis-je plein d’égards pour la personne photographiée ? Et si c’est une photo de mode ? Le modèle étant anonyme, puis-je la retoucher puissamment ? Dois-je alors craindre les chiennes de garde plutôt que mon client qui fait dans les cosmétiques ?

Dans la critique courante de la retouche, on ne prend pas souvent en compte le critère des conventions (les standards). Aveuglement ou mauvaise foi ? C’est pourtant un facteur constitutif des images. C’est même un élément clé pour la construction et la lecture des images. Ces conventions peuvent intervenir à différents niveaux : techniques, sociaux, artistiques, etc.
• Par exemple, le flou, qui donne la notion de la profondeur, est une pure convention née des contraintes techniques de la photographie. Quel peintre aurait pu penser à cela, avant l’invention de la photographie ?
• Les conventions peuvent être du domaine social. Quand des pratiques se généralisent, elles finissent par avoir « force de loi ». Qui s’étonne encore des ciels exagérément bleus des images touristiques ou des photos « hyperliftées » issues des milieux de la mode et des cosmétiques ? Un photographe ne défend pas forcément ces valeurs, mais il reflète les valeurs du moment et de l’environnement social auquel il s’adresse.
• Les conventions artistiques sont plus diverses et échappent parfois à l’analyse. Elles peuvent prendre le contre-pied des conventions sociales bien installées ;-)

Peut-être serait-il temps de remettre les photographes au centre de la fabrication des images ? Il faut bien reconnaitre qu’avec le partage des outils de traitement, tout le monde se sent autorisé à intervenir sur n’importe quelle image. Et cela est particulièrement vrai dans la presse ou les délais sont tellement raccourcis que la postproduction échappe totalement au photographe ! (La presse, ce n’est pas le sujet ici, mais ça revient toujours ;-) Beaucoup de photographes ont été un peu lents à acquérir les nouvelles compétences techniques, mais ça change... Ils ont tout à gagner à se réapproprier la maîtrise du processus de fabrication. Car ce sont eux les auteurs, c’est à eux de décider du contenu de leurs images. (Et s’il le faut, tant que les lois sur les droits d’auteurs ne seront pas profondément modifiées, ils ont la loi de leur côté pour défendre cette posture !) Mais il leur faudra beaucoup de « doigté », un sens de la mesure et une grande honnêteté, toutes qualités extrêmement subjectives, et pour tout dire, pas forcément résistantes quand de grands intérêts sont en jeu...

L’éthique n’est pas soluble dans Photoshop (c’est pourquoi elle ira peut-être se faire voir ailleurs...) car, contrairement à ce qu’on peut croire, ce ne sont pas les logiciels qui font les images. C’est l’usage qui en est fait qui peut-être crapuleux ou vertueux.


Quelques articles récents parlant du statut de l’image contemporaine :

• André Gunthert : Derrière Simone de Beauvoir Retour sur « l’affaire » du Nouvel Obs.
• Philippe de Jonckheere : Un hommage imparfait, mensonges et demi-mensonges « ...il semble que le progrès soit plus vif que la réflexion éthique, un peu à l’image des manipulations génétiques dans lesquelles les avancées scientifiques sont nettement plus rapides que la compréhension éthique et politique qui devrait réguler le cadre des recherches. »
• André Gunthert : L’empreinte digitale. Théorie et pratique de la photographie à l’ère numérique « …les photographes savent bien qu’en changeant d’objectif ou de film, ils disposent au moment de la prise de vue d’une marge de manœuvre importante, qui leur permet de modifier l’aspect, la géométrie ou les couleurs d’une scène. On ne saurait décrire un appareil photographique comme un médiateur transparent du réel : il doit plutôt être compris comme une machine à sélectionner des interprétations, selon un ensemble de paramètres aux interactions complexes, qui requièrent des choix précis. Un aiguillage plutôt qu’un miroir. »
• Sophie Blitman : Que nous disent les images contemporaines ?

(Tout ces articles sont de - ou font référence à - André Gunthert. C’est notre maître ;-) Qu’il soit ici remercié pour la pertinence de ses propos et les éclairages qu’il apporte sur les évolutions de la photo contemporaine.)

Béat Brüsch, le 14 février 2008 à 22.15 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: contexte , dispositif , manipulation , photomontage , retouche , éthique
14 commentaires
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    1

    Je considère cet article comme un symptôme de plus de l’existence d’un vrai problème d’éducation et d’utilisation des images aujourd’hui. J’ai tendance à penser que nous allons de plus en plus éprouver le besoin d’informations complémentaires au titre, à la légende éventuelle (qui dit généralement le où, le quand, le quoi ou encore le pourquoi) et maintenant aux tags (ou mots-clés) ou autres données Exif, qui maintenant contribuent à y avoir accès comme à les interpréter, via des outils comme Flickr par exemple.
    Et ce besoin n’est pas valable, à mon sens, que pour la presse. Je vous avoue que personnellement je suis un peu gêné d’apprendre que vous ajoutez des nuages à vos paysages, très franchement. Attention, je ne vous juge pas du tout en disant cela ! Je vous avoue même qu’il m’est arrivé de faire ce genre de modification moi-même sur telle ou telle image. Je constate simplement que j’éprouve un trouble en apprenant que ce genre de chose à été fait, sans que je puisse en avoir la moindre idée. Et je suis autant gêné de l’apprendre que de me dire que j’aurais pu ne jamais le savoir.
    J’éprouve clairement un besoin de clarification quant à ce qui a pu ou non arriver durant le laps de temps qui s’est écoulé entre l’image et sa publication, bref durant la période de - possible - postproduction. Pour le dire autrement, je suis en attente d’une forme d’engagement des auteurs et éditeurs d’images, quels qu’ils soient, à ce niveau également. Je ne peux pas croire que je sois le seul dans ce cas.
    Les auteurs de photos et leurs éditeurs devront peut-être en venir à la mise en place d’une sorte de système d’auto-labellisation des images. Cette labellisation déclarative codée apporterait une information graduée sur le type de retouche apporté plus que sur un degré. Postprocessed ou doctored ? Je rejoins les anglo-saxons sur l’importance de cette nuance dont parlait A. Gunthert, même si la limite n’est pas toujours évidente à poser d’après ce qu’en écrit ce dernier, cf. l’article que vous cité sur l’affaire de Beauvoir. Cette labellisation pourrait se résumer à une pastille, d’une couleur variable, à condition que sa signification puisse être facilement connue de tous.
    Nous pourrions également imaginer d’utiliser internet pour donner à qui le voudrait la possibilité de consulter une version brute de telle ou telle photo, à des fins d’éducation ou d’information. Évidemment, cela ne serait pas exigible de tout créateur ou éditeur de contenu ; je pense en premier lieu aux photographes artistes soucieux de garder certains de leurs « trucs » au secret. Mais cela concernerait clairement les journalistes qui avoueraient par pastille interposée qu’il y a eu modification, quel que soit son niveau. Tout cela est bien sûr à discuter, à affiner, mais le besoin est je crois clairement là aujourd’hui, et depuis un moment déjà.

    Envoyé par Erwan, le 15.02.2008 à 17.32 h
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    2

    @ Erwan

    Il y a longtemps que je songe à un système de labellisation. Mais je ne crois pas beaucoup à son efficacité et encore moins à sa mise en pratique pas les auteurs. Il n’est qu’à voir les difficultés de mise en place d’indications claires sur les produits alimentaires, telles qu’elles sont réclamées par les organisations consuméristes, pour le mesurer ! (Il y a eu quelques tentatives en Allemagne vers 1997, sans suites, à ma connaissance.)

    Quant à mettre à disposition ses originaux, n’y croyez pas ! Aucun auteur n’entrera jamais en matière pour cela, sauf ponctuellement à fins d’éducation. L’aspect inquisitorial de la démarche en rebuterait plus d’un !

    Je suis peut-être naïf, mais pour l’instant je ne vois qu’une solution. Elle consiste à faire confiance à un auteur, qui doit travailler sur la durée pour la mériter.

    Envoyé par Béat, le 15.02.2008 à 18.11 h
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    3

    Oui, vous avez peut-être raison, hélas !

    Envoyé par Erwan, le 15.02.2008 à 19.50 h
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    4

    Merci pour cet article. La dernière phrase est la meilleure conclusion possible.

    Plusieurs auteurs ont déjà signalé la possibilité d’afficher un indice identique à celui du disque : de AAA à DDD, pour la prise de vue, le traitement et la retouche (A pour analogique et D pour digital). Question d’honneteté.

    Ce qui est surprenant n’est pas la retouche -cela s’est toujours fait- ou même les intégristes -il y en a toujours eû dans la photo- mais la démocratisation de ces moyens. Quelle conséquence pour notre psychée ?

    Envoyé par Patrick Ho, le 16.02.2008 à 19.20 h
    5

    Au risque de paraître naïf, dans certaines circonstances je reste surpris par la retouche en tant que pratique "crapuleuse", pour reprendre les terme de Béat. J’admets que la pratique soit courante, mais cela n’en fait pas quelque chose d’anodin en toutes circonstances. Le contraire reviendrait à accepter l’idée d’être trompé, ce qui n’est acceptable je crois que s’agissant d’une fiction s’affichant explicitement comme telle. Dans certains cas, il me semble très important de savoir quelle correction (ou quelle catégorie de correction, au moins) est faite. D’où la nécessité d’un ajout d’information, peut-être discret mais bel et bien disponible, parallèlement à certaines images au moins.

    Quant à la démocratisation dont vous parlez, elle est peut-être à relativiser. Si l’on met de côté un logiciel comme Gimp, Photoshop reste une application fort couteuse. Il faut aussi savoir s’en servir, ce qui demeure difficilement accessible à pas mal de monde. Certes, certaines corrections importantes sont faisables par presque n’importe qui, mais d’autres, pour être vraiment crédibles, nécessitent une certaine maîtrise de "faussaire" numérique... Bref, sous réserve d’inventaire, il reste je crois un peu moins aisé de mentir de façon sophistiquée avec l’image comme avec le texte. Pour l’instant.

    Envoyé par Erwan, le 17.02.2008 à 21.13 h
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    6

    « ...accepter l’idée d’être trompé... »
    Si vous ne voulez pas courir ce risque, ne faites confiance à aucune photo ! Allez zy voir vous-même ;-)

    Plus sérieusement... Si on parle d’une photo qui est investie d’une attente de crédibilité (presse, par exemple) on peut éventuellement parler de tromperie. Mais pour bien d’autres types de photos (même si elles ne s’affichent pas explicitement comme fictionnelles) on ne peut pas parler de tromperie. Il faut admettre que les images ne sont... que des images. Que, même si ça ressemble à de la photographie, au sens classique du terme, ça n’en est peut-être plus tout à fait... C’est peut-être cela le fond de mon billet : est ce que la photo, aujourd’hui, est toujours de la photo ?

    Envoyé par Béat, le 18.02.2008 à 00.48 h
    7

    A l’auteur (ou ses relecteurs) :

    Pourquoi "décrypter" et pas simplement "analyser" ?

    Question de détail ? oui mais détail chic. Question de rigueur, aussi, un peu, quand même...

    Envoyé par Hainaut, le 18.02.2008 à 15.43 h
    8

    @Béat : C’est bien pour ça que je parlais d’éducation au début de mon premier commentaire. En l’absence de cette information complémentaire sur l’image dont nous parlons, il est urgent de (se) dire et de (se) redire que les images tendent à n’avoir plus aucune crédibilité aujourd’hui. Partant, on peut se demander quelle est la pertinence de leur utilisation par la presse pour autre chose que de la pure décoration.

    Envoyé par Erwan, le 18.02.2008 à 20.48 h
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    9

    Bonsoir,
    Je trouve votre article très intéressant mais si on accepte que la photographie n’est qu’ une représentation de la réalité sans devoir de véracité pourquoi entretenir cette culpabilité ? Je pense que nous ne sommes que des faiseurs d’ image, nous ne changerons pas le monde il faut en faire son deuil...Je suis moi même retoucheur et le fil conducteur de mon travail est l’ esthétisme on viens me voir et on me paye pour ça, l’éthique ( laquelle au juste ?) n’entre jamais en ligne de compte, mais c’est vrai que les images que je traite ne sont pas des images de presse ( et même en ce domaine la manipulation technique ou de propagande n’ en est pas a ces premiers pas...)
    ps bravo pour tout ces articles....

    Envoyé par Luis, le 19.02.2008 à 20.30 h
    10

    "si on accepte que la photographie n’est qu’une représentation de la réalité sans devoir de véracité pourquoi entretenir cette culpabilité ?"

    Question : est-ce que cette acceptation est très partagée ? Les photographes et autres spécialistes de l’image sont tous - sans doute - parfaitement convaincus de tout cela, mais quid des autres, du commun des mortels ? Est-ce qu’il tend comme vous à ne pas accorder plus de crédibilité à une photographie qu’à une peinture hyperréaliste ou à une image 3D ? Car c’est bien à un tel nivellement que nous arrivons. Or je suis loin d’être convaincu que tout le monde en soit au même stade.
    Cependant, il n’est sans doute pas uniquement question que d’éthique des créateurs d’images dans ce débat. Ceux qui reçoivent ces images sont peut-être plus prompts à être impressionnés par le produit fini qu’ils ne sont curieux de savoir comment ce produit a été fait.

    Envoyé par Erwan, le 20.02.2008 à 09.54 h
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    11

    Il est vrai qu’il y a une différence d’appréciation de ces problèmes par le public et par les pros de l’image. Cette différence devrait tendre à se combler, car presque tout le monde a aujourd’hui un APN (en tout cas bien plus que d’appareils argentiques quand c’était le seul choix) et a pu expérimenter, ne serait-ce que pour corriger les yeux rouges, la facilité d’intervention sur ces « nouvelles » photos. D’autre part, je crois que dans les écoles, on fait - du moins sur le papier ! - quelques efforts pour sensibiliser les élèves aux statuts de l’image dans la presse. L’expérimentation et l’appropriation de ces nouveaux outils permettent de développer le sens critique.

    Toujours est-il qu’une grande étude sur la perception des photos par le public reste à faire. Elle devrait même être reconduite plusieurs fois dans le temps pour essayer de mettre en avant d’éventuelles évolutions. Mais qui cela intéresse-t-il ? L’industrie de la photo, en pleine ébullition, a d’autres chats à fouetter ! Alors messieurs et mesdames les chercheurs-euses...?

    Envoyé par Béat, le 20.02.2008 à 12.43 h
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    12

    Je suis d’accord, nous vivons avec le passage au numérique et son appropriation progressive une période de transition dont il faudrait idéalement ne pas perdre une miette.

    Ce qui me saute aux yeux, si j’ose dire, et ce qui est un peu inquiétant, c’est qu’il semble de plus en plus difficile de se contenter d’une image fixe.

    Écran plat autorisant une substitution aux affiches un peu partout, fonds d’écran animés (Windows DreamScene par exemple), avatars ou portraits animés (*)... partout ou la technologie le permet et où c’est humainement tolérable (le fond d’écran animé est d’ailleurs assez limite de ce point de vue), l’animation de l’image s’impose. Besoin impérieux de vie artificielle, de dynamisme ? Symptôme d’une inaptitude à poser notre regard sur une image ? Autre ?

    (*) Voir ici

    Envoyé par Erwan, le 21.02.2008 à 10.50 h
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    13

    Il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet. On pourrait y consacrer quelques blogues bien remplis... Je suis également frappé par ces animations envahissantes. En TV, on ne voit plus un présentateur-trice sans qu’il y ait plein de petits machins qui bougent dans tous les coins ! Pour le son, c’est la même chose, on nous fourgue des sons d’ambiance (je n’ose pas les appeler musiques) derrière tous les propos jusqu’à rendre le message inintelligible. En se basant sur nos réflexes primaires de faibles bipèdes cherchant à survivre dans la savane (et donc en alerte maximale au moindre mouvement) on cherche à mobiliser tous nos sens pour nous faire croire qu’il se passe vraiment quelque chose ! Une façon comme une autre de créer du « temps de cerveau disponible ». À moins que ce ne soit fait pour occuper les derniers de la classe, qui ont de toute façon déjà décroché...? Moi, cela me fait l’effet inverse, cela m’éxaspère et je décroche pour de bon. (C’était mon petit énervement matinal. Je crois que je vais maintenant me concentrer sur les images immobiles... il y a déjà bien assez à dire et à faire de ce côté-là !)

    Envoyé par Béat, le 21.02.2008 à 11.33 h
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    14

    Je partage votre énervement, toutes ces sollicitations finissent par donner le tournis. Comme moi, vous ne devez pas vraiment être un "digital native", c’est pour ça ;-)

    Envoyé par Erwan, le 21.02.2008 à 11.57 h
    En ligne ici