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112 photographes romands (sur les 115 membres de la section) sont menacés d’exclusion de l’association des Photographes professionnels Suisses (PpS). Le motif ? Les romands ne sont pas d’accord avec leurs collègues de Suisse allemande et du Tessin sur les filières de formation. Ils veulent conserver le statut de l’apprentissage alors que tous les autres voudraient supprimer cette formation. En Suisse, les formations professionnelles sont du ressort des associations faîtières professionnelles. L’Office fédéral de la formation et de la technologie (OFFT) ne fait, en général, qu’entériner ces décisions.
Le système de formation des photographes suisses repose actuellement sur 3 filières : l’apprentissage, l’École de photo de Vevey (CEPV), l’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL).
- L’apprentissage, d’une durée de 4 ans, offre une formation pratique chez un patron, accompagnée de cours théoriques dans une école professionnelle. Note à l’attention de Nozamisfranssais : le principe de l’apprentissage est très prisé ici. Il jouit d’une tradition d’excellence pour de nombreux métiers. Il débouche sur le convoité CFC (Certificat Fédéral de Capacité).
- L’École de Photo de Vevey (CEPV), offre une formation de base en école (EAA), d’une durée de 4 ans, donnant droit au CFC. Cette formation peut-être prolongée de 2 ans afin d’obtenir le titre de Photographe diplômé-e ESAA.
- L’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL) est une Haute École Spécialisée (HES) dont les différentes filières du Département Communication Visuelle mènent, en 3 ans, au diplôme de designer HES (dès 2009 : Bachelor of Arts HES-SO). Vous suivez toujours...? Les apprentis de Suisse romande, et ils sont nombreux, bénéficient des cours théoriques de l’École de Vevey. En Suisse allemande, ils se rendent à la Berufsschule für Gestaltung de Zürich. Mais, allez savoir pourquoi, la filière de l’apprentissage de photographe est plutôt délaissée chez nos amis d’outre Sarine. Haha... voilà un problème !
Seuls au monde, ou presque [1], les photographes alémaniques décident donc de supprimer cette filière et de la remplacer par... une formation complémentaire (Weiterbildung). Leur argument est que le métier est de plus en plus complexe et exigeant et qu’il nécessite donc une formation poussée. On ne peut qu’être d’accord avec cette affirmation, qui tient d’ailleurs du lieu commun, quelle que soit la profession dont on parle. Ce qui est incompréhensible et illogique, c’est que l’on veuille supprimer une formation de base pour n’offrir plus qu’une formation complémentaire. Mais complémentaire à quoi ? Cette formation approfondie sera dispensée à la Berufsschule für Gestaltung de Zürich, en 6 semestres. Les candidats y seront admis après un CFC en graphisme, webdesign ou autre. Pour le dire plus crument : on va obliger les candidats à « glander » pendant quelques années dans une activité éloignée de leurs aspirations et dont ils n’auront peut-être pas grand-chose à battre. Bonjour la démotivation ! Certes, certes, cela permettra de « faire ses humanités » avant d’aborder le difficile métier de photographe. Mais cela tranche un peu avec les visées contemporaines des milieux économico-politiques exigeant une rapide orientation vers des savoirs « utiles » professionnellement.
Que va-t-il advenir du CFC dispensé actuellement par le CEPV de Vevey, dont le cursus pourtant éprouvé, ne correspond pas à ce nouveau diplôme proposé à Zürich ? Je ne peux m’empêcher, ici, de penser aux joueurs qui changent les règles du jeu pendant la partie. fineVu de Suisse romande (je parle pour moi, mais je crois mon sentiment bien partagé) tout cela ressemble à une opération de « recentrage » de la sphère photographique suisse. Avec les 2 filières internationalement reconnues du CEPV de Vevey et de l’ECAL de Lausanne, ainsi qu’avec le Musée de l’Élysée, la photo est plutôt bien en vue en Suisse romande. La prestigieuse Fondation suisse pour la photographie (Fotostiftung Schweiz) située à Winterthur, en Suisse alémanique, ne suffit peut-être pas à certains...? Soit. Mais si ce n’est qu’une bataille de clocher, pourquoi la profession doit-elle, en plus, se tirer une balle dans le pied ?


Liens utiles :
Site de l’association des Photographes professionnels Suisses (PpS)
Site de l’École de Photo de Vevey (CEPV)
Site de l’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL)
Site de la Berufsschule für Gestaltung de Zürich


Articles de presse :
• « Il faut défendre les photographes romands ! » Interview d’Anne-Catherine Lyon, conseillère d’État vaudoise en charge de l’éducation. © Magazine L’Illustré du 7 novembre 2007 (v. fichier joint ci-dessous)
Les apprentis photographes romands refusent de mourir Patrice Favre © La Liberté, lundi 5 novembre 2007
• Fronde contre la suppression de l’apprentissage de photographe (lien cassé) Luc Debraine © Le Temps, samedi 15 septembre 2007
• Le bras de fer se durcit autour du CFC de photographe (lien cassé) Raphaël Delessert © 24 Heures, samedi 15 septembre 2007


Ajout du 21.11.07 :
La suppression du CFC de photographe - d’après certains indices, ça sent le sapin ! - énerve profondément La Dame. Elle s’en explique dans ce billet, ici<.

Notes:

[1] Un vote des délégués a clairement fait apparaître un clivage entre Romands et Alémaniques. Ces derniers, plus nombreux, l’ont emporté.


1 fichier joint:
Interview d'Anne-Catherine Lyon - L’Illustré du 7 novembre 2007 (PDF 145.9 ko)

Béat Brüsch, le 9 novembre 2007 à 00.35 h
Rubrique: Les nouvelles images
Mots-clés: formation
2 commentaires
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    1

    Bonjour,

    permettez-moi de réctifier une partie des informations contenues dans le post précedent :

    du point de vue de l’association faitière, du vfg et de la commission de formation PpS-CH / vfg l’hypothèse de maintenir le CFC comme formation préalable à une "formation supérieure" n’est pas envisageable. Elle est en effet en contradiction avec notre mandat de réformer la formation de photographe éxistante, donc le CFC, et c’est justement ce type de formation qui est obsolète et ne peut donc pas être maintenu ni comme formation complète ni comme formation de base.

    Je suis personnellement navré que la solution proposée par notre réforme ne soit pas fonctionnelle aux structures de formation en Romandie ni aux soucis socio-politiques, voir même idéologiques, des adversaires de cette réforme, mais ces aspects ne sont pas, il faut le préciser, de compétence de nostre association. Notre devoir est celui d’assurer une formation adaptée à la réalité du marché et de la proféssion, notamment dans le domaine de la photographie de studio et publicitaire et nous restons convaincus que la solution proposée par la réforme SBf/vfg corréspond parfaitement à ces besoins.

    De notre part nous attendons donc que la question soit décidée, comme cela parait inévitable, par le Tribunal administratif Fédéral ; je tiens toutefois à préciser que dans le cas ou’ le CFC serait maintenu par sentence du TAF, il faudra de toute facon par la suite considérer que cette formation et le règlement qui l’accompagne devront être radicalement actualisés / reformulés et ceci évidemment sans le soutien de l’association faitière PpS-CH et du vfg.

    Concernant la fracture entre l’association faitière et PpS Région romande elle est en premier lieu le résultat de la politique inacceptable de cette section à l’égard de l’association faitière, qui s’est aggravée avec la pétition contre le CFC et la corréspondance à l’adresse de Mme Leuthard traitant les initiateurs de la réforme d’amateurisme et d’incompétence (parmi d’autres choses). Ce sont des actions qui malheureusement ne peuvent pas rester sans conséquences, et ceci à long terme.

    Mais ce clivage est aussi la conséquence naturelle et inévitable d’une conception différente de la proféssion, plus "égalitaire" en Romandie et plus orientée vers une sélection des membres (sur la base de paramêtres de qualité et de type de photographie pratiquée - pub, photodesign, photographie technique) en Suisse alémanique et au Tessin et d’autant plus chez le vfg qui est déclarément une association de qualité sur l’exemple de l’association des photodesigners allemands BFF www.bff.de .

    Pour en revenir au point du CFC, je ne peux que repéter que le maintien du CFC n’est envisagé ni par les SBf ni par le vfg pour les raisons que nous avons expliqué dans l’argumentaire qui a eté distribué à la presse et qui est publié aussi sur le site www.fotodesign.ch .

    Le choix de supprimer le CFC est le résultat d’une sérieuse et longue analyse du marché et d’identification de la solution la plus adaptée à la nécessité de requalifier notre proféssion. Nous estimons en outre que la "formation de base" peut de toute facon être assurée par d’autres formations et en outre, il n’est pas strictement nécessaire de posséder un CFC pour accéder à la formation de photodesigner, ni une matu. Dans cette optique, nous estimons que le CFC n’a plus aucun sense, sauf peut-être celui de permettre des financiements publics et de faire fonctionner les structures qui se basent sur ces derniers.

    La formation de photodesign démarre cet eté à Zurich, et concernant sa couverture à l’échelle nationale, ce problème ne se pose pas, car nous n’avons pas la nécessité ni l’intention de mettre en place le nouveau système dans toutes les régions, bien au contraire, vu que la capacité du marché d’absorber des nouveaux opérateurs du secteur est toujours plus limitée. Notre but est aussi celui de former moins de personnes qu’au passé, et de facto presque exclusivement pour le marché "haut de gamme", car tout connaisseur du marché sait très bien que la photographie généraliste, non spécialisée, de "consommation immédiate" etc. sera de plus en plus assurée par les marchands photo, les "amateurs engagés" et n’importe quel possésseur d’un petit format numérique.

    Meilleures salutations,

    roberto raineri-seith

    Envoyé par roberto raineri-seith, le 14.06.2008 à 15.41 h
    En ligne ici
    2

    Ce billet du mois de novembre n’étant plus très visible, je publie ici un nouveau billet pour remettre l’affaire en perspective. Avec lien de référence vers celui-ci.

    Envoyé par Béat, le 16.06.2008 à 01.28 h
    En ligne ici