Mots d'images


Les images d’Isabelle Hayeur nous montrent des paysages profondément perturbés par l’homme. Zones d’aménagement provisoires, territoires incertains que nous voyons quelques fois à la périphérie des villes et dont peu se soucient. On serait tenté de dire « no man’s land », mais ce serait une contre-vérité, car l’empreinte de l’homme y est criante. Loin des paysages idylliques de cartes postales, on ne sait pas toujours si ces lieux désenchantés sont le fruit d’une volonté délibérée, s’ils sont en attente d’autre chose, ou s’ils résultent d’une suite de défaillances et d’incuries. Souvent, on se prend à espérer que la nature finisse par recouvrir et effacer ces abandons. Mais le pourrait-elle ? Pour bien marquer son propos, Isabelle Hayeur réalise la plupart de ses images en photomontage. J’entends déjà les cris des puristes et des naïfs : « Mais c’est du trucage ! » Eh oui, c’est tout truqué ;-) Et alors ? Le fait est ouvertement affiché par l’auteure. Cela fait même partie intégrante de sa démarche. On peut même se demander, avec un peu de malice si Isabelle Hayeur avec ses collages, ne se prend pas, elle aussi, pour un de ces architectes de l’abdication et du je-m’en-foutisme ? Plus sérieusement, elle se trouve à l’exact opposé, car elle, elle sait ce qu’elle fait. Quand elle rend un endroit plus glauque qu’il n’est ou qu’au contraire elle y introduit un clin d’oeil bucolique, c’est pour mieux nous faire voir ce que nous ne voyons plus. Et là au moins, ça ne fait pas plus de dégâts qu’une image !

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Dans « Maisons modèles » nous voyons des maisons témoins, conçues comme des décors posés dans des paysages acculturés et servant d’abri à des vies dédiées au paraître et à la consommation.
© Isabelle Hayeur - clic pour voir + grand sur son site
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Dans « Excavations » nous assistons à la première étape de la transformation d’un paysage appelé à disparaître par nivellement. Certaines juxtapositions d’éléments à des échelles différentes créent des instabilités visuelles troublantes en bouleversant les hiérarchies.
© Isabelle Hayeur - clic pour voir + grand sur son site

Isabelle Hayeur déclare à propos de son travail : « À l’instar du cinéaste Robert Bresson qui considérait que « Le réel brut ne donnera pas a lui seul du vrai » j’appréhende le monde en le recomposant pour en rapporter des images qui le saisiront dans toute sa complexité. La mise en relation de lieux, d’événements et de temporalités aux provenances diverses crée des rapprochements (géographiques et sémantiques.) Elle permet aussi de condenser les territoires pour rendre visible des étendues beaucoup trop vastes pour être contenues sous l’objectif. C’est une façon de faire entrer le hors champ à l’intérieur de l’image. » (Texte en entier sur son site, ici.) Le site internet d’Isabelle Hayeur présente différents aspects de son travail et notamment des galeries de photo bien fournies. Chaque série d’images y est accompagnée d’un commentaire de l’auteure qui nous éclaire sur le sens de ses recherches.
Ce travail n’est pas sans me rappeler celui de Nicolas Faure, photographe suisse dont j’ai aimé une exposition au musée de l’Élysée en 2006. Le thème en était les « jardins » qui se développent sur les bas côtés des autoroutes. Mais le travail de Faure est différent : il se veut surtout documentaire. Ses images sont réalisées au moyen d’une chambre grand format (donc en argentique). Malheureusement, je n’ai pas pu trouver la moindre petite image de cet auteur sur internet !

Béat Brüsch, le 13 mars 2007 à 23.15 h
Rubrique: Regarder en ligne
Mots-clés: architecture , photomontage , société
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