Mots d'images


Savez-vous que pour publier une photographie de la pyramide de Peï sur un site internet, sans but lucratif, il vous faudra débourser la somme de 364 euros pour la première année, puis 91 euros pour chaque année supplémentaire ? Pyramide Louvre
À l’instar des luttes acharnées auxquelles nous assistons au sujet des droits d’auteur dans les domaines de la musique, les droits attachés aux images sont aussi le théâtre de grands bouleversements. On distingue plusieurs types de droits attachés aux images. Je parlerai dans un prochain billet du droit à l’image. Je me concentre ici sur les droits de reproduction. L’internet change les usages et les besoins dans un domaine qui était jusqu’ici régi par des lois dont la force reposait, il faut bien le reconnaître, sur la maîtrise des sources : les originaux et leurs reproductions étaient peu nombreux et on pouvait assez facilement en contrôler les accès. Aujourd’hui, la qualité des reproductions et leur rapide dissémination en ligne changent complètement la donne. Des intérêts et des attentes divergents se font jour...
D’un côté, nous trouvons les usagers d’internet, vite gagnés par le sentiment d’un réseau ou tout serait gratuit (le web collaboratif). L’ignorance des notions élémentaires du droit d’auteur par une majorité du public devient très visible du fait de la densité des échanges que le web autorise. De plus, à l’heure ou tout le monde peut prendre des photos avec son portable, on ne s’étonnera guère que le commun des mortels ne puisse comprendre qu’il faut parfois payer pour une image ! Samothrace
De l’autre côté, nous trouvons les auteurs (vivants), ainsi que les propriétaires légaux de droits d’auteur (descendants, fondations, etc). Il y a également les propriétaires d’oeuvres, qui souvent ne sont que des dépositaires ne possédant pas le droit d’auteur ou de reproduction. Tous n’ont pas forcément compris la rapide évolution des usages et les nouveaux enjeux créés par le net. Souvent, mus par une cupidité aveugle, certains ne se soucient que du profit immédiat qu’ils pensent tirer de cette clientèle inespérée.
Dans les milieux de la recherche, en particulier dans les domaines de l’image (beaux arts, histoire, etc) on s’émeut d’une évolution de la situation qui complique sérieusement la vie des chercheurs pour la publication de travaux en ligne. Face aux restrictions du droit de reproduction, les chercheurs revendiquent une « exception pédagogique », en particulier pour les images issues d’oeuvres du domaine public. Cette revendication doit, à mon avis, s’étendre à toutes les publications en ligne à caractère culturel non marchand ainsi que, plus généralement, à des contenus internet sans but lucratif (blogs culturels, revues en ligne, etc). Beaucoup de critiques se sont cristallisées sur les restrictions survenues en France au Musée du Louvre et plus largement dans les Musées nationaux. Il faut lire le témoignage édifiant de cet habitué du Louvre et ses démèlés courtelinesques avec l’administration de cette institution. La tribune des Arts consacre un édito au sujet, ici. Cervin Récemment, le chercheur André Gunthert (Directeur du Lhivic - Laboratoire d’histoire visuelle contemporaine) a lancé une vibrante tribune « Le droit aux images à l’ère de la publication électronique » qui a été largement reprise et commentée (désolé, peut-être l’avez-vous déjà vue, mais il est permis de la relire !). 10 jours plus tard, il fait le point dans ce billet et conclut : « ... personne ne peut prétendre à l’exercice d’un droit en matière de domaine public – c’est une contradiction dans les termes. Nul n’est censé ignorer la loi. Pourtant, cette information, bien connue des responsables des collections patrimoniales, est aujourd’hui soigneusement dissimulée. À l’exception de l’aveu du chef de l’agence photographique de la Réunion des musées nationaux (RMN), qui a admis sur France Culture que les 365.000 images disponibles sur le site de l’agence sont librement copiables pour les usages non commerciaux en ligne. » Intéressant pour les webmasters et les blogueurs, non ? Tout cela concerne la France qui légifère dans le cadre de directives européennes. J’aimerais bien savoir où nous en sommes dans mon beau pays, à la fois dans et hors de l’Europe... Y a-t-il un débat ? Ou, une fois de plus, la Suisse ne se sent-elle pas concernée ? Quelqu’un peut-il me (nous) renseigner ?
Les imagettes qui illustrent ce billet sont visibles en grand dans ma Galerie des Images malades du Droit.

Béat Brüsch, le 11 février 2007 à 18.50 h
Rubrique: Droit des images
Mots-clés: copyright , droit
1 commentaire:
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    Ce qui est encore plus lamentable dans cette histoire, c’est que c’est de l’argent public qui a été dépensé pour payer l’architecte. L’argent donc du contribuable.
    Ce même contribuable n’a donc pas le droit d’utiliser des images des bâtiments que son impôt a financé…
    Génial, non… ?

    Envoyé par Jean-Christophe, le 11.02.2007 à 19.00 h
    En ligne ici