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Le photographe Andreas Seibert a entrepris depuis 2002 un travail documentaire sur les conditions de vie des travailleurs migrants en Chine (les mingongs). Son site présente 4 magnifiques portfolios qu’on peut consulter sur cette page. (N’oubliez pas de lire les textes et légendes ;-) Ses photos sont empreintes d’une esthétique simple, directe et font preuve d’une maitrise technique époustouflante. Admirez sa virtuosité dans l’utilisation de la profondeur de champ. A la vue de cet univers de migrants intérieurs, je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec le travail de Samuel Bollendorff que j’évoquais ici, il y presque une année. Les approches respectives des 2 photographes ne me semblent pas foncièrement différentes. Mais on ne peut en dire autant des résultats visuels ! Si sur certains points on peut trouver quelques analogies (les mises en page centrales des personnages, par exemple), force est de constater que le rendu de leurs photos est très différent. Chez l’un, les photos ont un aspect « brut de décoffrage », alors que chez l’autre on peut, en exagérant à peine, parler d’une qualité « studio ». Que faut-il en déduire ? Le rendu de ces images est-il déterminant pour leur force ?
Les images de Bollendorff montrent bien qu’elles ont été faites à la sauvette, en cachette, dans des conditions d’éclairage non contrôlées. Mais elles laissent voir aussi que la postproduction a été succincte, voire inexistante. Il n’y a, semble-t-il, pas eu de tentatives de rattraper une lumière défaillante ou une couleur qui aurait « dérapé ». (Que le photographe me pardonne, mais on a un peu l’impression que les photos on été réalisées avec un appareil de poche argentique et tirées au supermarché du coin ;-) Cela est-il le résultat d’un choix esthétique délibéré de la part du photographe ? Cet effet est-il cultivé, appuyé, voire exagéré ? Et dans quels buts ?
Avec les images de Seibert, on ne ressent pas du tout cette impression de photos arrachées en vitesse avant qu’un agent de surveillance ne vienne mettre fin à la séance. Pourtant, les acteurs sont presque les mêmes et se prêtent au jeu avec simplicité. Certaines photos sont visiblement un peu plus posées et toutes sont soigneusement (et respectueusement) postproduites. Cela les rend-il moins convaincantes ?
En ce qui me concerne, j’adhère sans peine aux deux types de photos, à leur profonde humanité et je respecte les démarches qui y conduisent, mais je voudrais connaitre ce qui motive les unes et les autres. Les photos approximatives à gros pixels apparents dont on a cru un moment qu’elles envahiraient une presse en mal de crédibilité sont elles toujours « tendance » ? Ou faut-il prendre ces photos peu travaillées pour une résurgence de l’Arte Povera ? Mais aussi, peut-on demander à un photographe professionnel, maitrisant parfaitement les aspects techniques de son métier, de tout oublier pour ne pas être accusé de « faire de l’esthétique sur le dos de la misère »...? (C’est ainsi que c’est parfois formulé !) Ce débat est ouvert depuis longtemps, on le voit par exemple ressurgir chaque année au moment des prix du World Press Photo. Je n’y apporte pas de solution, je propose juste quelques questions de plus... et une comparaison.
Andreas Seibert est né en Suisse en 1970 et a étudié à Zürich. Depuis 1993 il vit et travaille à Tokyo. On peut voir un accrochage de la série From Somewhere to Nowhere jusqu’au 26 septembre à la galerie Coalmine à Winterthur (Suisse). Les 4 portfolios sont visibles sur son site où vous trouverez également une biographie.
Le travail de Samuel Bollendorff À marche forcée, dont on peutvoir le diaporama ici, a été remarqué l’année passée à Visa pour l’image. Dans une courte interview, il raconte l’adversité à laquelle se heurte un photographe en Chine... j’aimerais en savoir un peu plus, sur ce point, dans le travail de Seibert... Je compte me rendre à son exposition à Winterthur et vous en dirai plus si j’y glâne quelques réponses.

Béat Brüsch, le 16 août 2008 à 00.40 h
Rubrique: Regarder en ligne
Mots-clés: esthétique , exposition , photographe , société , voir
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