Sergey Maximishin doit être un géant. Il arpente un territoire immense, qui s’étend sur plus de onze fuseaux horaires, couvrant toute l’ancienne URSS et ses voisins au sud. Il cherche à comprendre ce qui arrive à son pays depuis que la perestroïka a voulu tout changer. Il se rend là où aucun photographe ne va et en ramène des images bouleversantes d’humanité, car ce qui l’intéresse, ce sont les gens. Ceux qui, sous tous les régimes, ont été oubliés. Ceux qui doivent bien continuer à se débrouiller pour vivre, en ramassant les miettes d’un gâteau que d’autres se sont attribué.
Il ne se passe rien de sensationnel dans les images de Maximishin. Juste quelques petits désespoirs affleurants au détour de situations absurdes. Les poissons volent, même congelés. Les clowns tristes voyagent en autobus. On met sa plus belle cravate pour prendre le télésiège. Les bustes de l’Hermitage ressemblent à la gardienne du musée. Poutine a une tête de croque-mort. Tout est normal dans le pays. Rien ne bouge, mais tout peut arriver.
Les compositions sont magistralement agencées. Le sens du cadrage est époustouflant. La couleur, souvent en grands à-plats, y tient un rôle prépondérant. L’approche, pleine d’empathie, peut faire penser au courant de la photo humaniste né après guerre en France. L’humour grinçant en plus.
Sergey Maximishin est né en 1964 en Crimée. Il fait son service militaire comme photographe dans l’armée rouge à Cuba. Il obtient un diplôme de physique à l’Institut polytechnique de Leningrad, puis il travaille dans le laboratoire d’expertise scientifique et technique du Musée de l’Hermitage. En 1998, il étudie à la faculté de photojournalisme de Saint Petersbourg. Il collabore un temps au journal Izvestia. Depuis 2003 il travaille pour Cosmos et Focus.
Sur son site internet, on peut admirer un généreux portfolio. (De mémoire, il contient la plupart des photos vues à Visa.) Allez-y, cela vaut largement le voyage.
L’exposition était tirée du livre : Le Dernier Empire : 20 ans plus tard, de Sergey Maximishin (Ed. Leonid Gusev, 40 €. Texte en anglais). J’ai cherché ce bouquin chez mon libraire favori, il ne l’avait pas. Et j’ai trouvé ceci sur internet... [MàJ : le livre est de nouveau disponible]
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