Mots d'images


Le World Press Photo a décerné ses médailles annuelles. L’image de l’année, que vous avez vue en petit dans vos journaux préférés - pour ceux qui en lisent encore ! - n’a pas déchainé les passions. Elle a été souvent signalée par une note polie, qui semble plus dictée par une déférence consensuelle envers le sujet de l’image, que par ses qualités réelles. La photo de Pietro Masturzo représente trois femmes qui crient leur révolte sur les toits dans la nuit de Téhéran. On voit surtout le paysage urbain et l’ambiance crépusculaire un peu feutrée par le halo noir tout autour de l’image. Ce n’est qu’en scrutant qu’on distingue ces trois femmes. Si la photo est assez grande, on peut noter que l’une d’entre elles tient ses mains en porte-voix. C’est tout. On peut parler ici d’une photo « intellectuelle », car sans sa légende et sans un minimum de connaissances du contexte de la crise iranienne, on ne peut pas voir ce que cette image nous dit. Il est assez inhabituel que les protagonistes d’une image d’actualité soient représentés aussi petits dans leur décor. Sans jouer sur les mots, il faut reconnaitre qu’ici, cela apporte une certaine dimension, un espace où raisonnent les cris de révolte. (Il faut reconnaitre aussi que des téléobjectifs permettant d’opérer dans de si sombres conditions n’existent pas encore :-)

JPEG - 60.5 ko
Clic pour agrandir

© Pietro Masturzo

Bien qu’elle s’inscrive dans un contexte dramatique, l’image est douce. Ce n’est pas ce qu’on attend habituellement d’une photo de presse. Qu’un concours aussi prestigieux que le WPP récompense une photo exigeant un peu de recul, d’imagination et de contextualisation est bienvenu, car les journaux, qui courent après leur rentabilité, n’ont pas forcément le courage (ou l’opportunité) de le faire. Mais que ceux qui, suite à ce grand prix, craignent un certain alanguissement de la photo de presse se rassurent. Ils trouveront, en consultant les diaporamas visibles sur le site du WPP, un lot d’atrocités particulièrement sanglant avec quelques images insoutenables. (Nous savons tous ce qu’est un lynchage. D’en voir les photos est une expérience vraiment éprouvante.) On en oublierait presque qu’il y a aussi dans cette livrée, de belles séries très lumineuses qui redonnent de l’espoir.

Presque confidentiellement, le WPP récompense pour la première fois, une image d’amateur. C’est aussi l’Iran qui en est le théâtre, avec une photo à prétention iconique, tirée de la vidéo de la mort de Neda. Cela n’a pas échappé à Fanny Lautissier qui en parle sur son blog Photogrammes.

À lire aussi : les piquantes digressions, à propos du World Press Photo, de Hamideddine Bouali sur son Blog du Photographique.

Béat Brüsch, le 16 février 2010 à 01.00 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: WorldPressPhoto , photojournalisme
2 commentaires
Les commentaires sont maintenant fermés.
    1

    Merci chere madame de mentionner mon blog dans votre rubrique. Je tiens à vous signaler que j’évoque souvent le World Presse Photo dans mon blog...ci-joint les liens directes :

    http://du-photographique.blogspot.c...

    http://du-photographique.blogspot.c...

    http://du-photographique.blogspot.c...

    http://du-photographique.blogspot.c...

    http://du-photographique.blogspot.c...

    et surtout :

    http://du-photographique.blogspot.c...

    Envoyé par hamideddine Bouali, le 17.02.2010 à 18.36 h
    En ligne ici
    2

    Je ne pense pas qu’il y ait un alanguissement concernant la photo de presse. Que ce soit les photographes, les agences ou même les titres de presse, ils veulent tous du sensationnel. Robert Capa ne disait-il pas : "si la photo n’est pas bonne, c’est que le photographe n’est pas assez près" ? Effectivement dans le reste de la sélection du WP il y a un lot d’images choc. Heureusement que ces journalistes sont là pour nous montrer les atrocités dans le monde, mais leur course à la photo choc me gêne. L’autre jour je regardais un reportage sur la photo (devrais-je dire l’icône) de la petite fille au napalm (vous avez d’ailleurs écrit de très bon posts là-dessus), les propos du photographe m’ont choqué. Après avoir amené la petite fille à l’hôpital il sort de là en priant son frère (mort) pour avoir une bonne image ! Naïvement je pensais qu’il allait dire qu’il espérait qu’elle reste en vie mais non... Les photographes sont là pour témoigner certes, je me doute qu’ils ne peuvent pas intervenir personnellement sur les conflits mais je leur demande un peu d’humilité, de compassion et de respect envers les personnes photographiées...

    Envoyé par alimagedunlivre.fr, le 24.02.2010 à 18.29 h
    En ligne ici