Je me suis longtemps demandé quelle photo de Don McCullin je présenterais dans cette série. (Par contre, je ne me suis jamais demandé si Don McCullin devait y figurer, il y a des questions qui ne se posent pas !) C’est finalement lui-même qui a choisi. Voici ce qu’il déclare lorsqu’il est interviewé par Frank Horvat en 1987 : « ...Mais je me reconnais surtout dans le clochard irlandais, celui qui ressemble à Neptune. Il est mélancolique et digne. Cela peut sembler étrange que je parle de dignité à propos de ces gens, pourtant c’est ce qui les caractérise et que j’essaye de montrer. Une dignité qui grandit avec la souffrance, comme si dans la souffrance ils trouvaient la force de continuer le combat. La mère biafraise par exemple, avec l’enfant au sein : je ne peux imaginer un être plus digne. »
Cette photo (de 1969) n’est pas très différente des photos de guerre de Don McCullin. Toujours ce regard sobre et direct face à l’horreur. Tout près des victimes. Pas besoin de textes alambiqués pour expliquer la souffrance. L’image claque comme une balle perdue. Prenez là dans la figure et débrouillez-vous avec !
Pendant 30 ans, Don McCullin a couvert tous les conflits. De la guerre des Six Jours au Vietnam et du Biafra au Cambodge, il a toujours été au front. Ses amis, tel Gilles Caron, sont tombés. Mc Cullin a failli y rester plusieurs fois. Il a longtemps cru que son témoignage contribuerait à faire cesser l’horreur. En 1982, après le massacre de Sabra et Chatila, meurtri dans son âme et dans sa chair, il jette l’éponge. Aujourd’hui, à 72 ans, tout juste apaisé, il photographie les paysages du Somerset. Mais ses photos sont toujours aussi noires.
En 1990, Don McCullin a publié son autobiographie. Elle est enfin traduite en français : Unreasonable behaviour - Risques et périls / Don McCullin. Traduit de l’anglais par Daniel de Bruycker. Ed. Delpire, 384 p. Référence : ISBN - 2-85107-231-5
J’ai déjà signalé, ailleurs dans ce blog, l’interview de Don McCullin par Frank Horvat. À lire !
Rubrique: Les grands classiques
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