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Reconnaissances 1969-2007

Dans le cadre du festival Images’08, leMusée Jenisch de Vevey (Suisse) présente une exposition rétrospective du photographe suisse Balthasar Burkhard constituée d’environ 80 oeuvres, dont une trentaine d’héliogravures. Reconnaissances, le titre de l’exposition, prend tout son sens avec la muséologie intelligente qui y est mise en oeuvre. Elle est empreinte d’une élégante sérénité qui prédispose à la contemplation. Les images ont été choisies et mises en scène de manière à relier les thèmes très divers abordés par l’artiste depuis 40 ans et à rendre intelligibles certaines constantes de son oeuvre. Qu’il photographie des corps, des déserts, des montagnes ou des animaux de foire, Balthasar Burkhard nous montre la vie débarassée des hardes de la réalité apparente et dont il ne reste souvent qu’une peau, ultime barrière dont le grain visible, magnifié, peut nous faire ressentir la substance jusqu’au frisson.

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Un éléphant au musée
© Balthasar Burkhard - re photographié par B. Brüsch ©

Les grands formats sont constitutifs de beaucoup d’oeuvres de Burkhard (en 1983, il expose à la Kunsthalle de Bâle 2 nus de 8 et 13 m de long). La mise en scène de ses photos, du support à l’accrochage en passant par l’encadrement, fait partie de la démarche du photographe. Il accompagne ses images jusque vers le spectateur pour que leur perception soit des plus fertiles. Ces photos ne se laissent pas enfermer dans des livres ou des portfolios numériques sans y perdre un peu (beaucoup ?) de leur âme. C’est véritablement sur des cimaises qu’elles trouvent leur respiration, c’est pour cela qu’elles ont été faites.

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Maiko, 1987
© Balthasar Burkhard - re photographié par B. Brüsch ©

Comme une exposition dans l’exposition, l’intégralité de l’oeuvre gravée de Burkhard est présentée. [1] On change radicalement de format, mais ce n’est que pour mieux se délecter de cette obsession de la matière qui habite toute l’oeuvre de Burkhard. Le procédé de l’héliogravure [2], d’une riche complexité, lui permet de doser à l’infini les matières dans des nuances de gris, tantôt saturées, tantôt diaphanes, de surfaces veloutées que l’on voudrait toucher. Les estampes ont toutes été réalisées dans l’atelier d’impression en taille douce de St-Prex.

Balthasar Burkhard est né en 1944. Il est engagé comme photographe documentaliste à la Kunsthalle de Berne dirigée alors par Harald Szeemann. C’est dans ce contexte qu’il s’éveille à l’art contemporain. Au bout de quelques années de séjour aux USA, il commence à exposer à Chicago (1977) puis à New York (1979). Dès les année 80 il expose dans le monde entier ses formats monumentaux. Depuis son séjour au Japon (1987) il abandonne les grands formats et réalise des vues plus intimistes. Ses premières héliogravures datent de 1992.

L’exposition est réalisée conjointement avec le Musée d’Art moderne et contemporain de la Ville de Strasbourg où elle a été présentée durant cet été. Elle sera visible au Musée Jenisch jusqu’au 11 janvier 2009.

Un catalogue est disponible : Balthasar Burkhard, Reconnaissances 1969-2007 / Recognitions 1969-2007 - Editions des Musées de la Ville de Strasbourg / Musée Jenisch Vevey, 2008 - Bilingue français-anglais, 144 pages, 100 illustrations, broché - Auteurs : Julie Enckell Julliard, Patrick Javault, Guillaume Le Gall, Dominique Radrizzani - ISBN : 978-2-35125-062-4 Diffusion : Le Seuil Prix : CHF. 55.- / € 36

Notes:

[1] La totalité de l’oeuvre gravée (une épreuve n°0 de chaque tirage) est déposée au Musée Jenisch - Cabinet cantonal des estampes - Fondation William Cuendet et Atelier de Saint-Prex.

[2] Les héliogravures que Burkhard réalise dès les années 1990 – une trentaine au total – viennent prolonger et nourrir l’obsession de la matière. La technique ancienne, découverte par Nicéphore Nièpce, avant d’être mise au point à Vienne par Karl Klič et W. H. Fox Talbot en 1878, consiste en l’impression d’une photographie par la projection du positif de l’image sur un papier au charbon, sensibilisé aux sels d’argent. L’ensemble est ensuite « insolé » par une exposition plus ou moins longue à la lumière, puis appliqué sur une plaque de cuivre. La technique, d’abord imaginée comme un simple moyen de reproduction de la photographie, permet d’adoucir et de nuancer à l’extrême les épreuves obtenues par le développement ordinaire. Les noirs velours qu’elle révèle, la gamme infinie de blancs ou de gris et les subtils passages entre ces valeurs concourent à faire ressortir d’une manière unique le moelleux du cliché. Grâce à l’action de l’acide sur les parties sombres de l’image, l’impression héliogravée confère au sujet reproduit une troisième dimension que la photographie ne dit pas. (Extrait du catalogue : De la photographie à l’héliogravure. Balthasar Burkhard : une histoire de peaux - par Julie Enckell Julliard)

Béat Brüsch, le 29 septembre 2008 à 14.59 h
Rubrique: Voir de ses yeux
Mots-clés: exposition , musée , photographe
1 commentaire:
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    En tous cas, les photographies de l’expo sont vraiment intéressants et donnent envie de s’intéresser à l’expo elle-même ! Elles dégagent beaucoup de calme, une sorte de sérénité il me semble ...

    C’est quand même bien des photos exposées ...

    Envoyé par Anne-Laure, le 3.10.2008 à 11.02 h
    En ligne ici