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ce qui change avec le numérique


Je ne pensais pas revenir sur cette pénible affaire avant quelques semaines, quand sera communiquée la décision de l’OFFT. Mais des publications récentes m’obligent à une petite réactualisation...Sur le blog Souris de compactus, Séverine Pache nous propose de prendre connaissance de l’avis du Musée de l’appareil photographique sur le CFC de photographe. Elle y signale également mon propre billet de novembre dernier consacré à ce problème, ainsi que le site de PpS qui garde la trace de nombreux éléments sur le sujet. Cette publication a suscité deux longs commentaires (quasi identiques) de Roberto Raineri-Seith, président de PpS-CH, sur le blog Souris de compactus et sur mon précédent billet à ce sujet.

À certaines menaces et à quelques dérapages sémantiques à peine contenus dans les limites diplomatiques, on peut sentir que Monsieur Raineri-Seith est très fâché. (Allons-nous bientôt rejoindre le canton des Grisons sur le banc des exclus ?) Les membres de PpS connaissent bien cette rhétorique crispée, qui n’a pas beaucoup évolué au cours des derniers mois, consistant surtout à vouloir réinventer la roue (une roue bientôt carrée en l’occurrence). Peut-être que d’autres publics seront intéressés par cette prose... histoire de se faire une idée de la vision confédérale particulière qu’on peut trouver parfois du côté de « Unique City ».

Je vous suggère néanmoins de prendre un peu de hauteur en lisant les 2 documents suivants :
• Le texte de Jean-Marc Yersin (qui a suscité le commentaire M. Raineri-Seith) fait un état des lieux des divers métiers de la photo et des motivations diverses qui l’enrichissent. Il propose aussi quelques pistes conciliantes et pragmatiques.
• L’article de Jean Christophe Schwaab, dans Domaine public : « CFC de photographe : mort d’un métier ou évolution naturelle ? » qui replace ce différend dans un contexte plus large où l’on voit que l’OFFT joue sa propre partition.


Notes diverses...

Pour ceux qui n’ont pas suivi, très bref résumé des événements survenus depuis mon billet de novembre :
• En à peine plus d’un mois, les membres de PpS de Suisse romande ont recueilli près de 4200 signatures sur une pétition pour la sauvegarde du CFC de photographe et l’ont fait parvenir à Madame la Ministre Doris Leuthardt, en charge de l’OFFT.
• La position des romands de PpS a reçu de nombreux soutiens de la part des responsables politiques et/ou administratifs de la formation des cantons romands ainsi que de nombreuses sociétés professionnelles. Ces soutiens se sont manifestés notamment par l’envoi de lettres à l’OFFT ou directement à Madame la Ministre Doris Leuthardt.
• Actuellement, le dossier est à l’étude à l’OFFT qui devra prochainement statuer. Il semble que, quelle que soit la décision, le Tribunal administratif fédéral sera saisi...

Qui est qui :
• Séverine Pache, responsable du blog Souris de compactus, est conservatrice adjointe au Musée suisse de l’appareil photographique.
• Jean-Marc Bonnard Yersin est codirecteur/conservateur Musée suisse de l’appareil photographique.
• Roberto Raineri-Seith est président de PpS-CH

Quelques abréviations :
OFFT : Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie
CFC : Certificat fédéral de capacité (diplôme de fin d’apprentissage)
PpS : Photogaphes professionnels Suisses
PpS-CH : idem, mais en insistant sur le niveau national

Pour le reste, veuillez vous référer à mon billet du 09.11.07 déjà cité.

Béat Brüsch, le 16 juin 2008 à 01.25 h
Mots-clés: formation
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La sonde Phoenix Mars Lander s’est posée avec succès sur la planète Mars dimanche passé, 25 mai. Sa mission est de sonder le sol gelé d’une région polaire de la planète pour tenter d’y détecter les restes de bactéries ayant cohabité avec des petits hommes verts. Non ? C’est pas ça ? Trouvez ici et ici des renseignements plus sérieux... Ce « marsissage » [1] réussi a été largement salué. Il nous a valu cette étonnante image qui est une première en son genre. Nous y voyons la sonde, en train de commencer sa descente sur Mars, suspendue à son parachute et photographiée par un autre instrument déjà sur place. Il s’agit de la caméra HiRISE, embarquée sur le satellite Mars Reconnaissance Orbiter qui, passant par là, a été réorienté momentanément pour pouvoir photographier la descente de Phoenix. En arrière-plan, on voit la surface du sol de la région du pôle.
Pour le grand public, cette photo est évidemment bien moins spectaculaire que les magnifiques vues d’artistes préparées pour l’occasion. Gageons que nous ne la verrons point dans les grands médias qui font l’opinion... [2] Et signalons du coup, que ce « marsissage » a été, une fois de plus, l’occasion pour les télés du monde entier de mélanger allègrement images de synthèse et documents photographiques sans que le téléspectateur béotien en soit averti.


Addenda du 30.05.08 : De nouvelles photos ont été divulguées. Voir ici...

Notes:

[1] Marsissage : à cet instant, déjà 6 occurrences sur Google, alors qu’amarsissage en propose 1300.

[2] Me voici pris en flagrant délit d’imputation.

Béat Brüsch, le 27 mai 2008 à 12.35 h
Mots-clés: dispositif , documentaire , science
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Week-end chargé pour les passionnés de photo de la Riviera lémanique. Le Musée Suisse de l’appareil photographique invitait hier soir André Gunthert (from Paris) à tenir une conférence sur « La photographie numérique et la parenthèse du film ». En tant qu’historien de la photographie, André Gunthert - avec son propos à la fois pragmatique et novateur - a trouvé une place « naturelle » dans ce lieu qui, non content d’abriter des collections prestigieuses de l’époque du film, doit maintenant se redéfinir face à l’irruption du numérique. Nous avons assisté à une sorte de convergence d’idées qui préfigure peut-être la naissance d’une « secte des adorateurs du numérique » :-)) De peur d’être réducteur, je ne tenterai pas de résumer cette conférence. Peut-être quelqu’un publiera-t-il quelque chose...? Mais je suis sûr que nous assisterons au développement des concepts qui nous ont été proposés dans de futures interventions d’André, sur son blog.
Le Musée Suisse de l’appareil photographique - situé à Vevey - outre ses collections permanentes, présente jusqu’au 31 août, une exposition intitulée « Les photographes - regards inversés », dont je vous parlerai prochainement. On peut y voir de nombreuses photos de photographes photographiés.
La conférence d’hier soir fut aussi l’occasion d’une mini réunion informelle de blogueurs. Outre André et moi-même, on a pu y voir Lyonel Kaufmann, venu en voisin et j’y ai même aperçu La Dame !
Au même moment, en une joyeuse coordination :-o, se déroulait à Lausanne - à 20 kilomètres de là, autant dire au bout du monde - le vernissage de l’exposition « Controverses » montée et présentée par le Musée de l’Élysée. On y voit 80 photos qui ont été sujettes à de grosses controverses (légales, éthiques, économiques, politiques, etc) De cela aussi, je vous reparlerai... À l’heure où je vous écris, on y tient une table ronde rassemblant quelques-uns des acteurs impliqués. Je devrais y être, mais je n’ai pas eu le temps de voir l’expo avant, ce qui me semble être la moindre des choses, pour savoir « de quoi qu’on cause ». Il y a bien eu une visite de présentation pour la presse, durant la semaine. Mais je ne fais pas partie du sérail. Et la vénérable institution n’a pas l’habitude d’y inviter des blogueurs. Elle ne répond même pas à leurs mails.


Addenda du 07.04.08 à 14.48h : Je remonte l’info parue en commentaires : Séverine vient de publier le compte rendu de la conférence d’André Gunthert. Longue vie à son nouveau blog !

Béat Brüsch, le 5 avril 2008 à 17.35 h
Mots-clés: blogosphère , lire , numérique
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Images mensongères

Dans un précédent billet, je vous parlais des images d’actualités détournées par Matthias Wähner. Je me demandais à quoi ressemblerait un exercice similaire aujourd’hui, alors que les moyens de production et de diffusion des images sont bien différents. De fait, il ne se passe pas un jour sur internet sans que des plaisantins s’amusent à bidouiller des images d’actualité. En général on reste dans le registre satyrique. Le résultat peut être désopilant et fort à propos (rarement), mais il peut aussi se révéler naïf, maladroit ou de goût douteux (on peut cumuler !). Il y a des sites entièrement dédiés à cette activité. Mais l’histoire qui suit est assez exemplaire de ce qu’internet peut engendrer dans ce domaine. Peu de jours après le crash du 11 septembre 2001, cette photo a énormément circulé sur internet et a été vue par des millions de personnes. On y voyait un touriste innocemment photographié sur une terrasse du World Trade Center alors qu’un avion allait percuter la tour dans la seconde suivante. L’appareil photo contenant le cliché aurait été retrouvé dans les décombres... Il s’agissait d’un faux. Mais point de démarche artistique, éducative ou sociale dans cette photo. Juste un peu d’humour noir. Son auteur, le hongrois Peter Guzli, voulait faire un gag à ses amis et c’est « à l’insu de son plein gré » que son image a été rapidement diffusée dans la webosphère. Il y avait peu de blogs en ce temps-là et Flickr n’existait pas encore. C’est donc principalement par e-mail et sur des forums qu’a circulé la photo. Et c’est tout aussi rapidement, que les sceptiques ont noté un faisceau d’invraisemblances, jetant le discrédit sur l’image.
Comment cette image a-t-elle pu s’imposer ? Pour qu’un canular, une rumeur, ou une légende urbaine puisse l’emporter il faut un terrain favorable et celui-ci l’était largement. Dans les jours et les semaines qui ont suivi les attentats, la population américaine et le reste du monde ont été complètement choqués. Des milliers de photos et de vidéos ont été vues, quasiment en boucle. Il y eut une surenchère d’images à couper le souffle et de témoignages déchirants de victimes et de survivants. Dans cette atmosphère de grande émotion, l’image a trouvé son public le plus naturellement du monde. Le sens critique s’est trouvé comme paralysé par la démesure des images qu’on avait déjà vues. La diffusion virale a fait le reste : l’image étant forte, elle a plu et fut reprise et diffusée exponentiellement sans même que les diffuseurs ne s’en rendent compte.
Ce qui se passe ensuite n’est pas moins intéressant et ressort de ce que j’appelle « la santé » du web. Une fois découvert, l’auteur du bidouillage fut affublé de plusieurs surnoms, dont celui de « Tourist Guy » et de « Tourist of Death ». Il fut remis en scène de très nombreuses fois par la communauté des internautes, trop contente de montrer ses compétences en matière de bidouillages. On retrouve ainsi notre touriste dans les situations les plus diverses, en général impliqué dans des catastrophes, qui vont de l’assassinat de Kennedy à l’explosion du Hindenbourg, en passant par le naufrage du Titanic ! Cet esprit d’à-propos et cette réactivité sont une caractéristique majeure de l’internet. Faut-il en conclure que les internautes sont des gens plus dégourdis que les autres ? Bien que différentes études statistiques aillent dans ce sens, je ne m’aventurerai pas sur ce terrain un peu glissant... mais on pourra deviner que la thèse me séduit :-)) D’autres évidemment, ne manqueront pas de fustiger à nouveau cet internet qui décidément ne respecte rien ! De nombreux sites parlent de cette affaire qui fait désormais partie du folklore du net. Le site touristofdeath.com y est exclusivement consacré. Il se fait fort de proposer dans sa galerie un archivage de ces images recueillies avant qu’elles ne disparaissent de la mémoire des serveurs. L’ennui, c’est qu’à l’heure où je publie, sa base de données est en panne ! On touche là à une autre caractéristique d’internet : rien n’y est moins permanent qu’une archive ! Mais Google veille au grain : il m’a permis de retrouver plus d’une 50aine d’images. Prises isolément, elles sont d’un faible intérêt. C’est l’ensemble qui est fascinant. En voici tout de même 2 dont la malice m’a plu, car elles mettent en jeu des images préalablement altérées (Forrest Gump de Robert Zemeckis - Retouche d’image de bombardement à Beyrouth).


Addenda du 16.01.08 : La base de données qui alimente la galerie recueillant tous les avatars du Tourist Guy est maintenant réparée. Et c’est hénaurme ! Il y a aujourd’hui 1334 images en ligne. Voici le lien direct vers la galerie. (Si vous surfez depuis le bureau, pensez à reprendre votre travail de temps en temps :-)

Béat Brüsch, le 16 décembre 2007 à 17.40 h
Mots-clés: amateur , blogosphère , retouche , viralité
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112 photographes romands (sur les 115 membres de la section) sont menacés d’exclusion de l’association des Photographes professionnels Suisses (PpS). Le motif ? Les romands ne sont pas d’accord avec leurs collègues de Suisse allemande et du Tessin sur les filières de formation. Ils veulent conserver le statut de l’apprentissage alors que tous les autres voudraient supprimer cette formation. En Suisse, les formations professionnelles sont du ressort des associations faîtières professionnelles. L’Office fédéral de la formation et de la technologie (OFFT) ne fait, en général, qu’entériner ces décisions.
Le système de formation des photographes suisses repose actuellement sur 3 filières : l’apprentissage, l’École de photo de Vevey (CEPV), l’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL).
- L’apprentissage, d’une durée de 4 ans, offre une formation pratique chez un patron, accompagnée de cours théoriques dans une école professionnelle. Note à l’attention de Nozamisfranssais : le principe de l’apprentissage est très prisé ici. Il jouit d’une tradition d’excellence pour de nombreux métiers. Il débouche sur le convoité CFC (Certificat Fédéral de Capacité).
- L’École de Photo de Vevey (CEPV), offre une formation de base en école (EAA), d’une durée de 4 ans, donnant droit au CFC. Cette formation peut-être prolongée de 2 ans afin d’obtenir le titre de Photographe diplômé-e ESAA.
- L’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL) est une Haute École Spécialisée (HES) dont les différentes filières du Département Communication Visuelle mènent, en 3 ans, au diplôme de designer HES (dès 2009 : Bachelor of Arts HES-SO). Vous suivez toujours...? Les apprentis de Suisse romande, et ils sont nombreux, bénéficient des cours théoriques de l’École de Vevey. En Suisse allemande, ils se rendent à la Berufsschule für Gestaltung de Zürich. Mais, allez savoir pourquoi, la filière de l’apprentissage de photographe est plutôt délaissée chez nos amis d’outre Sarine. Haha... voilà un problème !
Seuls au monde, ou presque [1], les photographes alémaniques décident donc de supprimer cette filière et de la remplacer par... une formation complémentaire (Weiterbildung). Leur argument est que le métier est de plus en plus complexe et exigeant et qu’il nécessite donc une formation poussée. On ne peut qu’être d’accord avec cette affirmation, qui tient d’ailleurs du lieu commun, quelle que soit la profession dont on parle. Ce qui est incompréhensible et illogique, c’est que l’on veuille supprimer une formation de base pour n’offrir plus qu’une formation complémentaire. Mais complémentaire à quoi ? Cette formation approfondie sera dispensée à la Berufsschule für Gestaltung de Zürich, en 6 semestres. Les candidats y seront admis après un CFC en graphisme, webdesign ou autre. Pour le dire plus crument : on va obliger les candidats à « glander » pendant quelques années dans une activité éloignée de leurs aspirations et dont ils n’auront peut-être pas grand-chose à battre. Bonjour la démotivation ! Certes, certes, cela permettra de « faire ses humanités » avant d’aborder le difficile métier de photographe. Mais cela tranche un peu avec les visées contemporaines des milieux économico-politiques exigeant une rapide orientation vers des savoirs « utiles » professionnellement.
Que va-t-il advenir du CFC dispensé actuellement par le CEPV de Vevey, dont le cursus pourtant éprouvé, ne correspond pas à ce nouveau diplôme proposé à Zürich ? Je ne peux m’empêcher, ici, de penser aux joueurs qui changent les règles du jeu pendant la partie. fineVu de Suisse romande (je parle pour moi, mais je crois mon sentiment bien partagé) tout cela ressemble à une opération de « recentrage » de la sphère photographique suisse. Avec les 2 filières internationalement reconnues du CEPV de Vevey et de l’ECAL de Lausanne, ainsi qu’avec le Musée de l’Élysée, la photo est plutôt bien en vue en Suisse romande. La prestigieuse Fondation suisse pour la photographie (Fotostiftung Schweiz) située à Winterthur, en Suisse alémanique, ne suffit peut-être pas à certains...? Soit. Mais si ce n’est qu’une bataille de clocher, pourquoi la profession doit-elle, en plus, se tirer une balle dans le pied ?


Liens utiles :
Site de l’association des Photographes professionnels Suisses (PpS)
Site de l’École de Photo de Vevey (CEPV)
Site de l’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL)
Site de la Berufsschule für Gestaltung de Zürich


Articles de presse :
• « Il faut défendre les photographes romands ! » Interview d’Anne-Catherine Lyon, conseillère d’État vaudoise en charge de l’éducation. © Magazine L’Illustré du 7 novembre 2007 (v. fichier joint ci-dessous)
Les apprentis photographes romands refusent de mourir Patrice Favre © La Liberté, lundi 5 novembre 2007
• Fronde contre la suppression de l’apprentissage de photographe (lien cassé) Luc Debraine © Le Temps, samedi 15 septembre 2007
• Le bras de fer se durcit autour du CFC de photographe (lien cassé) Raphaël Delessert © 24 Heures, samedi 15 septembre 2007


Ajout du 21.11.07 :
La suppression du CFC de photographe - d’après certains indices, ça sent le sapin ! - énerve profondément La Dame. Elle s’en explique dans ce billet, ici<.

Notes:

[1] Un vote des délégués a clairement fait apparaître un clivage entre Romands et Alémaniques. Ces derniers, plus nombreux, l’ont emporté.


1 fichier joint:
Interview d'Anne-Catherine Lyon - L’Illustré du 7 novembre 2007 (PDF 145.9 ko)

Béat Brüsch, le 9 novembre 2007 à 00.35 h
Mots-clés: formation
Commentaires: 2
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