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L’autre soir, lors d’un zap télé d’insomniaque désoeuvré, je suis tombé sur un documentaire consacré à la vie du photographe Edward Quinn. Parfois, dans ces occasions de disponibilité on peut avoir la chance de découvrir de petits bijoux qui nous réconcilient pour un temps avec la télé. Ce fut le cas ce soir-là.
Après une courte carrière de guitariste de jazz, Edward Quinn, d’origine irlandaise, est engagé dans la RAF pendant la Seconde Guerre mondiale. A la fin des hostilités, il se retrouve sur la Côte d’Azur et, voyant que toutes les célébrités s’y donnaient rendez-vous, il se dit que ce serait le bon endroit et le bon moment pour leur tirer le portrait. La presse est alors friande de stars glamour et de starlettes en bikini (petites pièces de vêtement tout juste inventées et tout juste tolérées). Bien que n’y connaissant strictement rien, il décide de devenir photographe. Il potasse tous les bouquins qu’il peut trouver sur le sujet.
pin upEt bientôt il commence à photographier les starlettes et pin up issues des concours de beauté (ci-dessus : Miss Angora !), alors fréquents sur la côte. Puis il passe à la vitesse supérieure en photographiant de vraies stars déjà célèbres. Les grands magazines publient ses photos et cela commence à bien marcher pour lui. Grâce à ses informateurs, il sait toujours où trouver ses « sujets ». Parfois, il a besoin d’un peu de culot pour arriver à ses fins. Avec certaines stars il développe une amitié basée sur une confiance réciproque : elles ont besoin de photos pour leur carrière et savent que lui ne publiera jamais de photos désavantageuses pour elles. Heureuse époque... (soupir) !
En ces années 50, après les restrictions et malheurs de la décennie précédente, les gens ont besoin de rêve pour se persuader qu’une certaine joie de vivre est de retour. Ces « Golden fifties » méditerranéennes s’inscrivent dans le XXe siècle comme une époque d’insouciance, bardotempreinte d’une candeur qu’on a du mal à imaginer aujourd’hui. Les stars d’alors avaient une aura et une prestance bien éloignée de celle, par exemple, des mannequins anorexiques qu’on voit tirer la gueule de nos jours. Les photographes étaient sous le charme et le public, bon enfant, en redemandait. Mais tout à une fin... le terme de paparazzi a été popularisé dès 1960 par le film La Dolce Vita de F. Fellini. Depuis, les rapports entre le showbiz, le public, la presse et la phynance sont devenus nettement plus complexes et se sont tendus à l’extrême.
Edward Quinn ne photographie pas que les stars du showbiz. Les têtes couronnées, les célébrités du monde des affaires et de la politique se bousculent également sur la Riviera et sont irrémédiablement photographiées... tout comme le monde de la culture et des beaux arts. C’est ainsi qu’en 1951 il se rend à Vallauris chez Picasso. Après plusieurs tentatives, il réussit à se faire admettre dans l’atelier du peintre et deviendra son ami. Il réalise de nombreuses photos de Picasso au travail et dans sa vie de famille. Plusieurs livres témoignent de cette relation privilégiée. Depuis les années 60, Quinn a aussi consacré son temps à d’autres artistes tels que Georg Baselitz, Max Ernst, Alexander Calder, Francis Bacon, Salvador Dali ou David Hockney. Depuis 1992 jusqu’à sa mort en 1997, il a vécu en Suisse avec son épouse Gret, de nationalité suisse.
Peut-être pour éviter la forme du documentaire classique, didactique et légèrement ennuyeux à la manière anglo-saxonne, les auteurs du film ont eu la rafraichissante idée de raconter la picassovie de Quinn à travers une répétition d’orchestre de jazz où l’on assiste à la création et l’enregistrement en direct de la bande-son du film. Une sorte de film dans le film, ou plutôt un film dans le concert. L’effet est magique, car il traduit merveilleusement l’ambiance légère, festive et insouciante de l’époque, sans rien retrancher à la qualité des témoignages. Il faut dire aussi que la maitrise de musiciens tels que Franco Ambrosetti ou Daniel Humair y est pour beaucoup !
Le film s’appelle RIVIERA COCKTAIL et est produit par NZZFilm. [1] Vous pouvez voir ici une page de présentation du film. Un clic sur Trailer Klein/Gross, vous permettra de visionner la bande-annonce. Il semble qu’il n’y ait pas de DVD du film, mais vous trouverez par contre les coordonnées des distributeurs du film ! Le commentaire du film est en allemand et on doit bien y parler 3 autres langues. La version que j’ai vue était en VO sous-titrée français.
Le site officiel d’Edward Quinn vaut largement le clic, pour les données biographiques, les commentaires et les archives. De nombreuses photos représentatives du travail du photographe y sont visibles dans un format correct. [2] Le site est maintenu par Gret Quinn, l’épouse d’Edward que l’on voit aussi dans le film. C’est elle qui se charge de l’archivage de cette somme de photos. À ce que j’ai cru comprendre, c’est également elle qui réalise les tirages papier.

Notes:

[1] Pour nos amis français : NZZ est un journal suisse alémanique important ainsi qu’un groupe de presse

[2] C’est loin d’être le cas pour beaucoup de photographes décédés, dont les héritiers en charge ne publient jalousement que de succinctes photos de la taille d’un timbre-poste !

Béat Brüsch, le 17 avril 2007 à 00.50 h
Rubrique: Regarder en ligne
Mots-clés: peoples , photographe
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